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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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même, la frayeur aussi, mêlée d'étonnement et de volupté. Elle demeura songeuse. Qu'est-ce que cela présageait ?
     
    L'agitation dans le pays était devenue insupportable. Mazarin et la régente décidèrent une tournée des provinces. Il fallait les soumettre militairement et leur mener, pour les impressionner, le jeune roi suivi de sa cour. Gaston assurerait dans la capitale les affaires courantes et la surveillance des Espagnols.
    Anne-Louise, prétextant un mal de gorge tenace, réussit à esquiver l'expédition en Bourgogne. Début juillet, elle ne put échapper à celle de Guyenne. Elle dut passer le mois d'août à Libourne à seule fin de voir — et d'admirer — Mazarin prendre la ville de Bordeaux, qui n'opposa aucune résistance.
    Malgré le beau temps et son envie de se promener, il lui fallait demeurer tout le jour avec sa tante qui, victime d'« un rhume de chaud », préférait rester dans sa chambre, muette et morose. Anne-Louise s'ennuyait ferme.
    Il faisait une chaleur horrible. Les robes apportées de Paris, en taffetas ou en soie, étaient trop chaudes, les lits infestés de punaises, les chevelures de poux. « Les pouxentretiennent la santé. » On se répétait le vieux dicton pour s'encourager à les supporter.
    Toutefois, les séances d'épouillage se multipliaient, suivies du lavage des cheveux avec l'eau de lessivage — à base de cendres et bien noirâtre — récupérée au sortir des cuves. Maigre distraction ! Ou alors, il restait à la jeune fille la ressource de regarder les bateaux passer sur la Dordogne et de faire de la tapisserie avec Anne d'Autriche.
    Pendant ce temps, la reine découvrait le prix de Mademoiselle. Puisque Anne-Louise aimait écrire et qu'elle écrivait bien, elle pouvait servir de lien avec son père. Aussi, quand surgirent des différends entre Gaston et Mazarin, on chargea la jeune fille d'intervenir, de les exposer par écrit.
    Cela ne lui déplut pas. Mais elle ne se contenta pas d'écouter et d'obéir. Elle adorait juger par elle-même. Lassée de son oisiveté, elle se mit à s'intéresser aux affaires dont la reine lui parla, et à donner son avis.
    — Il faudrait se résoudre, ma tante, à faire la paix avec les Bordelais ! Vite ! Et regagner la capitale. J'ai grand peur que le parlement de Paris ne ressorte l'édit, promulgué autrefois contre Concini, qui exclut les étrangers du gouvernement. Un épouvantail pour M. le cardinal.
    — Eh bien, dans ces conditions, nous ne rentrerions plus à Paris. Tant pis ! Nous n'abandonnerons jamais Son Éminence.
    — Il vous faudrait alors ne plus rentrer dans les villes où cet édit reviendrait en vigueur. Que resterait-il du royaume ?
    — Je vous trouve bien frondeuse, ma nièce. Vous respirez par vos fenêtres trop d'air bordelais. Il vous grise.
    — Je vous dis la vérité, et personne n'ose vous la dire, ma tante. Il faut cesser de courir de province en province, et d'exposer l'autorité du roi, déjà si affaiblie.
    — M. le cardinal en décidera.
    — Que va-t-il faire du prince de Condé ? Le garder prisonnier ? Le libérer ? Et vous, ma tante, que souhaitez-vous ? À l'évidence, mon père doit être consulté le premier dans cette affaire.
    Elle vit d'un mauvais œil la femme de Condé, Clémence — la fillette qui pleurait jadis au « bal des pygmées » parce qu'un oiseau s'était pris dans sa collerette —, venir en cachette, un soir, chez la reine. Craignant que son père ne fût tenu à l'écart d'une tentative de négociation, elle s'empressa de l'en informer.
    Elle lui décrivit longuement l'air maladif de la princesse de Condé, la saignée qu'elle avait subie la veille, son écharpe mise n'importe comment, son manque de vivacité. Anne-Louise prenait goût à son rôle d'observateur. À écrire, elle ne voyait pas le temps passer. Quand elle eut fini sa lettre, il était quatre heures du matin.
     
    Le vent tournait. Depuis le retour de la cour à Paris, il était de plus en plus question du mariage de Mademoiselle avec le roi. Mazarin, sa bête noire, dut s'enfuir en cachette du Palais-Royal, une nuit de février 1651. On le menaçait d'enlèvement, d'assassinat. De la terrasse des Tuileries, Anne-Louise vit, au loin, l'agitation de son départ et les flambeaux des cavaliers postés pour le protéger.
    Une semaine plus tard, grâce à l'appui de son père, les princes, Condé, son frère et son beau-frère, revenaient à Paris. Gaston d'Orléans les reçut avec

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