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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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point changée, ma nièce. Cinq ans pourtant que je ne vous aie vue. Je vous trouve même mieux, plus grasse, le teint plus clair. Mais qu'en est-il de vos cheveux ? Le bruit court que vous les avez gris.
    — Si fait, Madame. Et pour ne vous tromper en rien, je n'ai pas voulu mettre de poudre aujourd'hui, afin de vous les montrer.
    — Il est curieux que vous en ayez tant à votre âge. Ce n'est guère seyant.
    — Ma grand-mère Guise en avait à vingt ans. Et, du côté de mon père, l'on est gris de bonne heure.
    La file des carrosses s'approchait de Sedan.
    — On a renforcé la garde à la porte, en votre honneur, précisa la reine. Mes fils et le cardinal sont au déplaisir de ne pas être là. Le siège de Montmédy réclame leurs soins constants. Ils ont pourtant pris la peine de vous envoyer des messages de bienvenue.
    Au château, Anne d'Autriche la présenta à ses suivantes, des filles jeunes que la recluse ne connaissait pas. Elle insista lourdement sur l'absence prolongée de la princesse.
    — Il faut lui pardonner si elle n'est pas au fait de toutes nos petites coutumes. On devient vite ridicule quand on est éloignée de la cour.
    Le soir, Anne-Louise fut longue à s'endormir. Elle avait trop chaud dans sa chambrette où les moustiques lui sifflaient aux oreilles. Et Perrette n'avait plus de cette eau de passiflore qui la calmait si bien. Elle se raisonna. Allons, tout n'était-il pas au mieux ? Elle était sortie de son exil, on l'avait logée au château de Sedan, avec les proches d'Anne d'Autriche. Alors ?
    La cour ne rend pas heureux, ruminait-elle en triturant son oreiller. Et elle empêche qu'on ne le soit ailleurs.
    La déception l'emportait sur le plaisir. Elle avait rêvé du pouvoir, de la gloire. À trente ans, elle rejoignait la cour de France dont on n'aurait jamais dû l'éloigner. Avec sa naissance, sa richesse... On l'acceptait à nouveau, mais en fautive, en repentante. Elle se sentait seule. Elle avait perdu l'affection de son père, de Claire, de sa tante même.
    Oui, malgré quelques efforts pour être aimable, la reine lui gardait rancune. Son accueil n'était même pas à la hauteur de sa bonté universelle. Pour lui parler, il n'y avait plus de tendres « ma fille », porteurs d'espéranced'une alliance avec le « petit mari », seulement des « ma nièce » incisifs comme des couteaux, pour la mettre à distance. De son rêve de devenir reine de France, que restait-il ?
    Avec l'arrivée de Louis, le 7, elle se rasséréna un peu. Joyeux de sa victoire de Montmédy, il étendait à tout un voile de plaisir. Anne-Louise le trouva grandi, grossi, enlaidi, mais tellement royal. Elle eut une vraie joie de le revoir. Elle lui gardait une affection particulière. Depuis si longtemps elle avait souhaité... Qui sait ? Maintenant qu'elle était là, tout paraissait encore possible.
    Il sut éblouir sa cousine en lui offrant les marques de civilité qu'elle espérait, révérences infinies, grand dîner, bal en son honneur, escorte choisie parmi les fameux escadrons bleus.
    Lors d'un souper, il bouscula pour elle l'étiquette, et après qu'on eut donné à la reine le bassin et la serviette pour le lavement des mains :
    — Passez donc d'abord la serviette à ma cousine, commanda-t-il. Je me laverai après.
    — Je n'aurai garde, assura-t-elle en rougissant.
    Devant son insistance, elle s'empara de la serviette, ravie. Quand elle le suivit après le souper, pour un bref tête-à-tête, elle marchait sur des nuages.
    Du coup, elle ne se choqua pas des premiers mots que Louis lui dit en particulier.
    — Combien gagnez-vous, ma belle cousine, au succès de votre procès concernant Champigny ?
    Son maintien semblait courtois, mais ses yeux étaient de glace. Elle aurait dû sentir qu'il n'avait pas la moindre affection pour elle et n'en voulait qu'à son argent. Victime de sa vanité, elle lui fournit force détails sur sa fortune et conclut :
    — Malgré les remises énormes consenties à monpère, je me retrouve dans un état avantageux. J'envisage même d'acheter une autre terre, si j'en trouve une à ma convenance.
    Intéressant, se dit Louis.
    Il savait fort bien que le sort d'une fille dépendait absolument de son père et qu'une fois rentré en grâce Gaston avait escroqué la sienne. Contre sa permission de quitter Saint-Fargeau, il lui avait fait signer un compte de tutelle malhonnête. Oh, la cousine avait résisté un temps, elle avait du caractère. Mais tout le

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