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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ces journées que je passais allongé près de Doma dans la chambre du palais du légat impérial, situé dans le quartier de Fourvière, non loin de l’amphithéâtre.
    J’entendais les exclamations de la foule, ses cris, et parfois, au milieu d’un silence, le rugissement des bêtes fauves.
    Alors j’empoignais le corps de Doma, je le ployais, le mordais, le pénétrais, et ma tête était pleine du battement de mon sang, de la respiration rauque et haletante de l’esclave qui, sur mon ordre, me chevauchait et à qui j’imposais, mes mains sur ses hanches, les mouvements qui me convenaient.
    Comment aurais-je continué à prêter attention à ce que la plèbe gauloise de Lugdunum hurlait ?
    Je n’entendais que mon désir. J’ignorais tout ce qui n’était pas mon corps à corps avec Doma.
     
    Aujourd’hui je sais.
    J’ai interrogé Sélos, Eclectos et même Doma.
    Ils connaissaient les noms de quelques-uns de ces chrétiens suppliciés à Lugdunum.
    Peut-être Doma appartenait-elle à cette communauté de croyants venue des provinces d’Asie, de Phrygie, de Bithynie et du Pont ?
    Elle est maintenant chrétienne, ne l’était-elle pas alors ?
    Elle a soutenu mon regard quand je l’ai questionnée, mais elle ne m’a pas répondu et je n’ai pas exigé qu’elle le fasse.
    Mais comment aurait-elle pu ignorer ces hommes et ces femmes venus comme elle de l’autre rive de la Méditerranée, de Smyrne ou d’Éphèse, de Phrygie ou d’Asie ?
    J’ai lu ce que l’un des survivants de cette persécution qui s’était déroulée dans la pleine chaleur de l’été, alors que ma sueur se mêlait à celle de Doma, a dit de chacun de ces martyrs.
    Le plus âgé était Pothin dont Eclectos m’a assuré qu’il avait plus de quatre-vingt-dix années.
    Il était le chef de l’église de Lugdunum, haute silhouette blanche à la barbe et aux cheveux longs, maigre comme un ermite, le regard brûlant de ceux qui ne vivent que pour leur foi. Il était originaire de Phrygie, et Attale, qui l’assistait dans la direction de l’église, était un citoyen romain originaire de Pergame, aussi âgé que lui, connu dans toute la cité comme le représentant de la communauté chrétienne.
    Je me suis souvenu des hésitations du légat, confronté à ce citoyen romain qui maîtrisait la langue de l’Empire à la manière d’un rhéteur, et qui pourtant s’adonnait à la superstition comme un esclave, un affranchi, un pauvre ou une femme !
     
    Pouvait-on supplicier un citoyen romain de cette qualité ?, s’était interrogé devant moi Martial Pérennis. J’avais dû répondre par une mimique dubitative pour marquer mon indifférence.
    Je me souciais aussi peu d’Alexandre, un médecin originaire de Phrygie dont les talents étaient tels que même les citoyens romains et les Gaulois qui haïssaient les chrétiens consultaient, assurant qu’il avait les connaissances et les pouvoirs d’un faiseur de miracles, d’un maître des secrets de l’Orient. Et j’imagine aujourd’hui que ceux qui écoutaient ces propos sans avoir bénéficié des pratiques d’Alexandre le Phrygien l’accusaient d’imposture ou de connivence avec les puissances des ténèbres.
     
    Eclectos, Sélos, Doma m’ont livré d’autres noms.
    Il y avait Sanctus qui présidait l’église de la cité de Vienne, au bord du Rhône, en aval de Lugdunum.
    Il y avait Alcibiade qui venait de la province d’Asie et réussissait par sa seule prestance, son assurance, à s’imposer à la foule qui se contentait de l’insulter tout en restant à bonne distance.
    Il y avait Irénée qui, adolescent, avait connu Polycarpe le martyr, qui avait quitté la Phrygie pour Rome, puis avait gagné Lugdunum où il s’était imposé par la détermination de sa foi et sa sagesse.
    Mais celui qui, dans les écrits d’Irénée et dans les récits d’Eclectos, se détache comme le plus illustre des chrétiens de Lugdunum, était Vettius Epagathus, un citoyen romain de bonne noblesse. Il était riche, habitait une vaste demeure à Fourvière, menait une vie chaste et austère, vouée tout entière à secourir les plus pauvres sans se soucier de savoir s’ils étaient chrétiens. Mais son exemple, sa générosité, son désintéressement faisaient de lui, selon ce qu’en dit Eclectos, l’homme dont on voulait partager la foi ; et donc celui que le légat impérial faisait surveiller parce qu’il propageait cette superstition hostile aux dieux de

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