Marcel Tessier racontre notre histoire
caractère national de l’État?»
Après des débats à la Chambre des communes, où l’esprit de parti prédomine, des Canadiens français s’agenouillent de nouveau en 1933 et 1934. Finalement, en 1935, un dénommé Rhodes suggère que des billets soient imprimés en français seulement. Mettant fin aux discussions, les billets de banque bilingues apparaissent en 1936.
Toutes ces luttes nous ont valu le bilinguisme sur les timbres-poste, les pièces de monnaie et les billets de banque. Il n’empêche que, sans les efforts de quelques Québécois nationalistes, nos timbres et notre argent seraient encore unilingues.
75 QUELLE EST L’ORIGINE
DE NOTRE DEVISE «JE ME SOUVIENS»?
C haque jour nous pouvons lire notre devise des dizaines, des centaines de fois… sur les plaques d’immatriculation des véhicules du Québec.
Cette phrase toute courte mais lourde de sens est l’invention d’Eugène-Étienne Taché, l’architecte de l’hôtel du Gouvernement à Québec. Déjà, sur ses dessins préparatoires, Taché avait prévu de placer sur la façade, au-dessus de la porte principale, les armoiries du Québec et d’inscrire dessous ce «Je me souviens» de son cru. Le tout sculpté dans du calcaire de Deschambault. Le contrat de construction fut signé le 9 février 1883 avec l’entrepreneur Jean-A. Charlebois, de Québec, sous l’autorité d’un arrêté en Conseil exécutif du 22 janvier de la même année. C’est ainsi que la devise imaginée par Eugène-Étienne Taché a, en quelque sorte, été «ratifiée» par le gouvernement québécois.
Que signifie-t-elle? Une foule de réponses ont été données depuis un siècle. En voici quelques-unes. La phrase serait la contrepartie canadienne-française à la devise du marquis Lorne, gouverneur général du Canada: Ne obliviscaris («Gardez-vous d’oublier»). Ou bien elle serait inspirée de la fameuse complainte d’Antoine Gérin-Lajoie, Un Canadien errant, où il est dit: «Va dire à mes amis Que je me souviens d’eux». Les contemporains de Taché avaient aussi leurs interprétations. Ainsi, le juge Jetté, lieutenant-gouverneur, évoquait en 1890 les sentiments des Canadiens lorsque le drapeau français réapparut sur le fleuve en 1855: «Oui, je me souviens, ce sont nos gens.» L’opinion d’Ernest Gagnon, enfin, mérite sans doute qu’on s’y arrête. Après tout, il travaillait aux Travaux publics à l’époque et il a bien connu Taché. Dans une annexe au rapport annuel du département, il a écrit que cette devise résume admirablement «la raison d’être du Canada de Champlain et de Maisonneuve comme province distincte dans la Confédération». Voilà l’explication la plus simple, et probablement la plus juste: l’architecte du Parlement voulait simplement rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont marqué l’histoire du Québec en leur assurant que les générations à venir ne les oublieraient pas.
Savez-vous, incidemment, combien a coûté ce magnifique édifice, statues et décorations incluses? Ce serait un véritable cadeau aujourd’hui: 1 669 249,16 dollars…
Avant l’inauguration de ce nouveau Parlement, les députés se réunissaient dans le palais épiscopal, construit par M gr de Saint-Vallier, et propriété de l’évêque de Québec. L’État en prit possession en 1831 et y ajouta une aile, qui allait être détruite par un incendie en 1854 et remplacée en 1860. C’est dans ce vieux palais épiscopal que se tint la Conférence de Québec réunissant les Pères de la Confédération.
76 JEAN LESAGE
E st-ce l’influence de notre saint patron, Jean-Baptiste? Il y a dans notre histoire politique une foule de Jean. De Jean Drapeau à Jean Chrétien en passant par Jean Doré, Jean Cournoyer et Jean Charest. Mais il y a un peu plus de 40 ans, en 1958 exactement, un autre Jean faisait sa marque au Québec, en prenant les rênes du gouvernement provincial. Vous aurez sans doute reconnu le «sauveur» du Parti libéral de cette époque, Jean Lesage.
UN BEL HOMME
Jean Lesage naît à Montréal le 10 juin 1912. Son père, Xaviéri, est enseignant. Il est le neveu du sénateur Joseph-Arthur Lesage. Jean étudie d’abord à Montréal au Jardin de l’enfance des sœurs de la Providence de Saint-Enfant-Jésus. Son père ayant obtenu un job dans la capitale nationale, le jeune Jean entre au Petit Séminaire de Québec et prend ensuite le chemin de l’Université Laval. Il entre dans l’armée de réserve
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