Marcel Tessier racontre notre histoire
Archambault, René Chaloult et plusieurs autres, surtout dans L’Action française, ont multiplié les demandes en ce sens.
En 1917, Joseph-Papin Archambault, dans la revue L’Action française de mars et d’octobre, interpelle le gouvernement fédéral. Il le félicite parce que, pour une première fois, il publie des cartes postales bilingues. Cependant, il déplore que ces cartes postales soient en circulation seulement dans les centres français; ailleurs, le gouvernement ne fournit que des cartes unilingues anglaises. «Le bilinguisme ne devient-il pas une arme contre nous? N’est-il pas un paravent trompeur derrière lequel se déchire comme un vulgaire chiffon de papier la Charte des droits…», demande-t-il. Toujours dans L’Action française, Harry Bernard écrit, en 1924: «La plupart des Anglo-Canadiens et voire quelques Canadiens français, se cabrent devant nos revendications en faveur du timbre-poste bilingue, pourtant, ajoute-t-il, cette pratique est en vigueur en Belgique, Hongkong, Égypte, Indes, Finlande, Japon, Corée, Perse, Turquie, etc.»
En 1926, René Chaloult écrit: «N’est-ce pas le temps cette année d’obtenir le timbre bilingue? Voilà que le gouvernement libéral est maintenu au pouvoir par une majorité de Français du Québec, de l’Acadie, de l’Ontario et de l’Ouest. Près de la moitié des ministres sont des Français […] nos ministres n’ont qu’à le vouloir et ce serait bientôt fait […] Rarement une victoire aussi facile nous a été offerte […]. Nous n’avons qu’à vouloir la remporter. Le voudrons-nous?»
Faut-il préciser que nous ne l’avons pas voulu. En 1927, plusieurs de nos concitoyens se cabrent contre cet unilinguisme national et international qui rejette notre égalité avec l’Anglais dans l’existence. En 1928, une initiative mène à la production de la première série de timbres bilingues d’usage courant. Les Mots «postes» et «postage» y sont inscrits. Il faut attendre le 1 er juillet 1947, pour que tous les timbres portent les inscriptions dans les deux langues officielles.
LA MONNAIE BILINGUE
En 1837, au Bas-Canada, on trouvait de la monnaie bilingue. En effet, l’abbé Pilon, en 1917, dans L’Action française, indique: «J’ai sous mes yeux un sou du Bas-Canada marqué du millésime 1837. Sur un côté de cette pièce de monnaie, il y a les mots suivants: Province du Bas-Canada, un sou avec l’effigie d’un homme debout; sur l’autre côté, il y a l’écusson de la ville de Montréal avec les mots: Bank token 1837. Half Penny . Nous avions donc à cette époque la monnaie avec inscription bilingue; à quelle date est-elle devenue unilingue?» Je n’ai pas de réponse à cette question, mais je peux dire que la monnaie a longtemps été unilingue – en anglais, bien entendu — et que ce n’est qu’à partir de 1936 qu’elle porte des inscriptions dans les deux langues. Encore en cette matière, ce fut un long combat. De promesses en promesses, les politiciens de chez nous refusent de se tenir debout et d’exiger que le français ait sa place sur la monnaie. L’unilinguisme canadien se promène partout à l’étranger.
En 1927, pour le 60 e anniversaire de la Confédération, on jugea bon de se montrer plus conciliant à l’endroit de la nation canadienne-française, ainsi qu’en témoigne Antonio Perreault dans l’Action nationale de juin 1927: «L’Hôtel de la monnaie frappa récemment la première des médailles commémoratives de ces fêtes. Serait-elle bilingue? Les diplomates en mal de plaire à tout le monde firent cette trouvaille: des mots hybrides, Confédération, Canada. Voilà pour la face! Mais le revers, le revers de la médaille! Discussion. Le latin mit d’accord ces braves et l’on inscrivit: A mari usque ad mare . Guettez l’apparition du prochain timbre-poste. Il est à craindre que nos conciliateurs ne trouvent une autre échappatoire.» Effectivement, ils en trouvèrent.
En dépit des pétitions, des lettres à nos députés, l’humiliation persiste. La langue française n’existe pas au Canada. L’égalité des deux nations devant la Constitution est un mythe. L’Action nationale écrit en 1933: «Si le contrat de 1867 n’a pas été un marché de dupes, alors pourquoi une seule race se réserve-t-elle le droit de faire figurer sa langue, et rien que la sienne sur l’une des principales pièces officielles, où s’affirme chez nous et pour l’étranger le
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