Marcel Tessier racontre notre histoire
indépendant n’enchante pas. Le premier ministre préfère le projet de Burroughs Pelletier qui place au centre les armoiries de la province: «Il y a là un lion, tu n’as pas besoin d’avoir peur, Chaloult, on me dit que c’est le lion de Guillaume le Conquérant. Que dirais-tu d’une couronne rouge que les uns pourraient considérer comme la Couronne de France et les autres comme celle de l’Angleterre? Si ces propositions ne plaisent pas à tes amis, préféreraient-ils une feuille d’érable rouge? Ton drapeau me paraît contenir beaucoup de bleu et un drapeau québécois doit être accepté par les deux partis.» Maudit Duplessis! Chaloult rencontre Groulx pour en discuter. Le maître repousse les armoiries et la couronne, mais propose à Duplessis de redresser les fleurs de lys qui convergent vers le centre parce qu’un Sacré-Cœur y avait déjà figuré.
RÉUNION FINALE
Duplessis craint l’opinion des Anglo-Canadiens, mais il est fortement impressionné par l’ampleur des pétitions. Il rencontre une deuxième fois René Chaloult, qui lui transmet la suggestion du chanoine de redresser les fleurs de lys, donnant ainsi à Duplessis l’occasion d’apporter au drapeau une touche personnelle. Le «Chef» demande l’opinion de son ami Pelletier, qui confirme en effet qu’il n’y a aucun péché héraldique à redresser les fleurs de lys. Le 21 janvier, à 11 h, Chaloult apprend de Duplessis que le fleurdelisé est accepté. Il faut donc en trouver un. Le premier ministre joint Wheeler Dupont, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec, qui lui apporte celui de René Bélanger, l’organisateur politique de Chaloult, mais en taisant sa provenance. Une séance rapide du Conseil des ministres adopte le décret ministériel n o 72, et l’Assemblée nationale vote le décret dans la plus parfaite harmonie. Ce n’est que le 9 mars 1950, par la loi 14, George VI, chapitre 3, que notre fleurdelisé sera officiellement sanctionné.
Comme l’a expliqué Rosaire Morin: «Ce drapeau incarne depuis quatre siècles la présence d’un peuple. Il assume la continuité de l’histoire. Le bleu azur est caractéristique au peuple français, symbole d’unité, le blanc est apporté au pays par Champlain comme signe de notre attachement à la culture française. Il représente notre volonté de vivre. La fleur de lys évoque la victoire de Carillon dont l’étendard portait des fleurs de lys.»
73 LE DRAPEAU CANADIEN
I l faut se souvenir que pendant plusieurs décennies, les Canadiens de langue anglaise n’ont pas voulu d’un drapeau distinctif. Ils préféraient l’Union Jack. Ce sont les Canadiens français qui ont demandé et revendiqué un drapeau canadien, comme d’ailleurs ils ont exigé une monnaie bilingue, des timbres bilingues et le bilinguisme dans les institutions fédérales. Ce sont eux qui, de la même façon, ont obtenu un hymne national différent de l’impérialiste God Save the King .
À BAS LE COLONIALISME!
Ce que cherchent les Canadiens français, c’est un drapeau sans référence au colonialisme. Ils ne veulent pas de symboles étrangers à leur culture, et qui n’ont de sens pour personne. Au contraire, ils réclament un emblème distinctif qui cimentera l’identité du peuple. Les démarches se succèdent. Ligues, associations, corps publics, partis politiques, simples citoyens, toutes les voix canadiennes-françaises s’expriment. Mais les Canadiens anglais réagissent avec une très vive opposition. Bientôt, hélas! le drapeau devient un autre élément de division.
LE RED ENSIGN
Rosaire Morin en fait l’historique dans L’Action nationale de décembre 1994. Voici un compte rendu de ses propos. Le Dominion du Canada voit le jour en 1867, mais ce n’est que le 16 juillet 1870 que John A. Macdonald accepte que le Red Ensign flotte sur les navires de l’État canadien. Le 2 février 1892, la marine marchande s’accommode à son tour du drapeau rouge qui, en 1904, est enfin hissé sur les édifices parlementaires.
Rapidement, le premier ministre du Canada doit affronter sur ce sujet les impérialistes anglais. Ceux-ci multiplient leurs croisades à Londres et en 1911, le secrétaire d’État britannique décrète que c’est l’Union Jack qui servira de drapeau officiel au Canada.
Le drapeau de la Grande-Bretagne devient l’emblème du Canada! Exactement comme si nous étions encore une colonie! Les Canadiens français protestent haut et fort.
Weitere Kostenlose Bücher