Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
pour le cas
où le khakhan me rappellerait. Je sortis et traversai les jardins du palais en
direction du Pavillon de l’Écho, sur la colline de Kara, histoire d’aérer mon
esprit chamboulé. J’errai le long de la promenade décorée de mosaïque qui
longeait le mur d’enceinte et tentai de faire le tri parmi les sujets de
réflexion que je m’étais choisis et ceux qui s’étaient ajoutés : les Yi du
Yunnan, Narine et l’élue de son cœur disparue puis ressuscitée, les jumelles
Buyantu et Biliktu devenues bien davantage que des sœurs l’une pour l’autre, et
tout sauf loyales à mon égard...
    Alors, comme si je n’avais pas eu assez à penser, un
événement nouveau se produisit. Une voix murmura à mon oreille, en langue
mongole :
    — Ne te retourne pas. Ne bouge pas. Ne regarde
pas.
    Je m’immobilisai, pétrifié, m’attendant à sentir la
lame pointue d’un poignard appliquée sur ma chair ou à entendre le sifflement
d’une épée. Mais seule la voix reprit :
    — Tremble, Ferenghi. Redoute la venue de
ce que tu as mérité. Mais pas encore ; l’attente, la peur et l’incertitude
font partie de ce qui t’attend.
    Je venais de me rendre compte que la voix n’était pas
aussi proche de mon oreille qu’elle en avait l’air. M’étant retourné sans voir
personne alentour, je m’écriai d’un ton tranchant :
    — Qu’ai-je mérité, au juste ? Que
voulez-vous de moi ?
    — Attends ma venue.
    — La venue de qui ? Quand ?
    La voix ne susurra que neuf mots supplémentaires avant
de se taire. Neuf mots simples, plus effrayants qu’une menace franche et qui me
donnèrent la chair de poule. Ce fut net, clair et définitif :
    — Je surgirai lorsque tu t’y attendras le moins.

 
13
    J’attendis un instant et, rien d’autre n’arrivant, je
posai une ou deux questions de plus, lesquelles demeurèrent sans réponse. Je me
ruai sur ma droite, courus sur la rotonde et atteignis la Porte de la Lune sans
avoir vu quiconque, aussi refis-je un tour complet, sans succès. J’étais devant
la seule issue à cette promenade circulaire ; je parcourus du regard les
pentes de la colline de Kara. Çà et là, quelques dames et seigneurs prenaient
l’air, évoluant seuls ou par couples sur les niveaux inférieurs du promontoire.
Chacun d’entre eux aurait pu être la personne qui venait de m’aborder ;
chacun aurait pu s’enfuir à cette distance, puis marcher d’un pas tranquille.
Sauf si l’imprécateur s’y était pris autrement. L’allée pavée qui s’ouvrait
devant la Porte de la Lune se divisait un peu plus bas en deux voies, dont
l’une encerclait le pavillon par l’arrière en redescendant jusqu’au bas de la
côte. Ou bien il n’avait pas quitté la rotonde, s’efforçant de maintenir entre
nous la structure du bâtiment. Que je l’arpente en courant comme un dératé ou
que j’y progresse à pas de loup, il était inutile de poursuivre ma recherche,
aussi la suspendis-je et, pensif, m’arrêtai-je un instant devant l’entrée.
    La voix, qui aurait aussi bien pu être masculine que
féminine, pouvait appartenir à n’importe quelle personne ayant un grief contre
moi. Dans la seule heure qui venait de s’écouler, trois voix m’avaient averti
que j’allais avoir à « le regretter » : celle d’Ahmad, glaciale,
celle plutôt courroucée de Buyantu, et celle, outragée, de Dame Chao. J’avais
de surcroît de sérieuses raisons de penser que je ne m’étais pas fait un ami en
la personne du ministre fuyard Pao, et rien ne certifiait qu’il avait quitté
l’enceinte du palais. Il aurait encore fallu y ajouter, pour n’oublier personne
parmi tous ceux que je me suis aliénés depuis mon arrivée, le Maître Caresseur
Ping : tous parlaient mongol, langue dans laquelle le chuchoteur m’avait
menacé.
    Ce n’était même pas encore tout ! Si cela se
trouvait, l’hommasse qui rôdait aux abords du cabinet d’Ahmad pouvait penser
que je l’avais reconnue et m’en tenir rigueur. On pouvait aussi imaginer que la
femme de Chao lui avait raconté je ne sais quelle sornette au sujet de ma
visite et l’avait braqué, lui aussi, contre moi. J’avais lourdement ironisé sur
le compte de l’Astrologue de la Cour, un eunuque, or ceux-ci étaient connus
pour leur caractère vindicatif. Tant que j’y étais, j’avais aussi fait
remarquer à Kubilaï que la plupart de ses ministres étaient mal employés ;
le mot pouvait leur être parvenu, et

Weitere Kostenlose Bücher