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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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courir se cacher un peu plus loin. Cela revient à vouloir
écraser des moustiques sous des seaux de gravats. C’est pourquoi, dans une
certaine mesure, tu es fondé à juger que la conquête que mène actuellement
Bayan est tout sauf aisée.
    — J’ai entendu dire des Yi qu’ils étaient
« turbulents », avançai-je.
    — C’est vrai. Depuis leurs abris, ils se
permettent même de nous lancer des défis. Ils caressent à l’évidence le
fallacieux espoir qu’ils vont pouvoir nous résister assez longtemps pour nous
pousser à faire demi-tour. En cela, ils se trompent.
    — Mais plus leur résistance se prolonge, plus le
nombre de victimes s’accroît dans les deux camps, plus la terre à conquérir
souffre, s’appauvrit, ce qui en réduit la valeur.
    — C’est aussi vrai. Malheureusement.
    — S’ils cessaient de se croire invincibles, Sire,
la victoire n’en serait-elle pas nettement facilitée ? Avec moins de morts
à la clé et moins de ravages à déplorer dans cette province ?
    — Sans aucun doute. Vois-tu le moyen de briser
leur confiance ?
    — Je n’en suis pas sûr, Sire. Mais imaginons la
chose suivante. Pourrait-on supposer que la résistance des Yi soit raffermie
par la collaboration occulte d’un membre de votre cour ?
    Les yeux du khakhan se rétrécirent telles les pupilles
d’un léopard qui se prépare à fondre sur sa proie. Il ne feula pas, il se
contenta d’articuler, pacifique comme la colombe :
    — Allons, Marco Polo. Ne tourne pas ainsi autour
du pot, comme le feraient deux Han sur un marché. Dis-moi à qui tu penses.
    — J’ai eu vent d’une information, Sire,
apparemment fiable, selon laquelle le ministre des Races minoritaires, Pao
Nei-ho, bien que se faisant passer pour un Han, serait un Yi du Yunnan.
    Kubilaï demeura un instant pensif. Le feu de ses yeux
n’en demeurait pas moins ardent, et il gronda bientôt comme pour
lui-même :
    — Vakh ! Comment
diable s’y reconnaître parmi ces damnés yeux bridés ? Ils sont de toute
façon aussi perfides les uns que les autres...
    Je crus bon d’ajouter :
    — C’est la seule indication dont je dispose,
Sire, et je n’accuse nullement le ministre Pao. Rien ne prouve qu’il ait
espionné pour le compte des Yi, ni même qu’il ait eu la moindre communication avec
eux.
    — Il m’a trahi sur ses origines, c’est déjà
amplement suffisant. Tu as bien agi, Marco Polo. Je vais convoquer Pao en
entretien, et je pourrais avoir des raisons de te parler par la suite.
    En quittant la suite du khakhan, je tombai sur un
intendant du palais qui m’attendait dans le couloir, porteur d’un message. Le
Premier ministre Ahmad me réclamait auprès de lui à l’instant. Je me rendis à
ses appartements, sans gaieté de cœur, certes, car je me demandais :
« Comment a-t-il pu le savoir aussi vite ? »
    L’Arabe me reçut dans une salle décorée d’une pièce
unique, massive, que je pensai être l’œuvre de la nature. C’était une roche
colossale, grande comme deux fois la taille d’un homme et quatre fois plus
large, une énorme masse de lave solidifiée représentant une immense gerbe de
flammes pétrifiées, faite d’entortillements, de trous, de circonvolutions et de
petits tunnels gris. Quelque part à son pied fumait un bol d’encens, et, tout
en s’élevant doucement, sa fumée bleue et parfumée s’enroulait dans les
sinuosités de la sculpture, suintait par certaines de ses ouvertures tout en
s’infiltrant dans d’autres, de sorte que l’ensemble semblait se tordre dans les
convulsions d’un supplice lent et éternel.
    — Vous avez désobéi, attaqua Ahmad sans me saluer
ni s’embarrasser du moindre préambule, et vous m’avez défié. Vous avez continué
de fureter, jusqu’à ce que vous tombiez sur une nouvelle susceptible de
compromettre un haut ministre de la cour.
    — Ce n’est qu’une parcelle d’information qui
m’est parvenue avant même que j’y prenne garde.
    Sans chercher à m’excuser ou à m’accuser davantage,
j’ajoutai crânement :
    — Je croyais même, figurez-vous, qu’elle n’était
parvenue qu’à moi seul.
    — Ce qui est dit sur la route s’entend depuis
l’herbe, répondit-il. Un vieux proverbe han.
    Toujours aussi intrépide, je poursuivis :
    — À condition que quelqu’un s’y trouve pour
écouter. Jusqu’alors, je m’étais imaginé que mes servantes étaient là pour
rapporter mes faits et gestes au khakhan Kubilaï ou

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