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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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le zhu-gan n’est pas plus épais que le doigt, on peut le
couper facilement au couteau. Lorsqu’il a achevé sa croissance – le bambou peut
pousser jusqu’à devenir aussi haut et gros que n’importe quel arbre –, il faut
le scier, et l’on n’y parvient qu’à grand-peine car il est devenu aussi
résistant que le fer. Mais qu’il soit grand ou petit, avec sa tige couleur
d’or, le blanc délicat du léger renflement de ses anneaux et le vert tendre de
ses feuilles, le zhu-gan est une bien jolie plante. Un massif entier de
bambous, lorsque ses frondaisons chatoyantes irradient sous les rayons du
soleil, constitue un spectacle digne du pinceau de l’artiste.
    Dans l’une des rares basses terres que nous eûmes à
traverser dans cette région, nous arrivâmes dans un village où tout était fait
de bambous : des bâtisses aux meubles, tout reposait exclusivement sur
l’usage du zhu-gan. Ledit hameau, nommé Chieh-chieh, s’étendait dans une
vallée où coulait l’une des innombrables rivières de cette contrée, laquelle se
trouvait tapissée de champs de zhu-gan : le village semblait avoir
poussé là en même temps que le reste. Ses maisons n’étaient faites que de ces
tiges dorées : les murs reliaient entre eux des tiges grosses comme des
bras, et certains segments plus épais servaient de poutres porteuses à des
toits constitués de demi-troncs évidés placés les uns sur les autres, telles
des tuiles. À l’intérieur des maisons, tables, lits et nattes étaient faits de
minces fibres de bambou tressées, tout comme de plus petits objets comme les
boîtes, les cages à oiseaux et les paniers.
    La rivière étant entourée de vastes marécages,
Chieh-chieh était situé un peu à l’écart de celle-ci, mais son eau était
transportée jusqu’au village par un tuyau formé de gros morceaux de bambou
emboîtés, de section aussi large qu’un torse humain. L’eau se déversait sur la
place principale dans un abreuvoir de zhu-gan de la taille d’un
demi-rondin. Les garçons et les filles du village venaient y puiser l’eau dans
des pots, des seaux et des bouteilles faits de sections de bambou de
différentes tailles. Dans les habitations, les femmes utilisaient des échardes
de tige en guise d’aiguilles, et des fibres comme fil. Les hommes de la
communauté en avaient tiré leurs arcs et leurs flèches, transportées dans un
carquois de la même plante. Leurs bateaux de pêche, depuis les mâts jusqu’aux
voiles, provenaient également de l’irremplaçable zhu-gan, et si le chef
du village avait peu à écrire, nul doute que les rares mots qu’il avait à
calligraphier l’étaient à l’aide d’un pinceau de bambou, sur un papier fait de
pulpe de la plante grattée au cœur des tiges et conservé sous forme de rouleaux
dans des vases... faits dans le même matériau !
    Notre repas du soir nous fut bien sûr servi dans des
bols de bambou, avec des baguettes de la même plante, et, parmi les mets qui
nous furent proposés, outre du poisson fraîchement péché dans des filets de
bambou et frit sur un feu de copeaux de bambou, nous pûmes savourer de
succulentes jeunes pousses de zhu-gan mijotées à feu doux, d’autres
marinées au vinaigre en guise de condiments, d’autres encore, sucrées,
faisaient office de dessert. Aucun d’entre nous n’était ni malade, ni blessé,
mais l’eussions-nous été qu’on nous aurait soigné au tang-zhu, la sève
qui suinte des joints du bambou quand il arrive à maturité, dont les vertus
médicinales sont nombreuses.
    C’est un Wu, le vieux chef du village de Chieh-chieh,
qui m’enseigna tout cela. Il était en effet le seul à connaître le mongol, et
nous discutâmes tous deux longuement, tandis que mes gardes du corps, fatigués
de nous écouter, allaient rejoindre l’un après l’autre les chambres qu’on leur
avait allouées. Nous finîmes par être interrompus, le vieux Wu et moi, par une
jeune fille qui fit irruption dans la pièce aux murs de bambou où nous étions
allongés sur des nattes de ce végétal. Ce qu’elle émit ressemblait à une
complainte.
    — Elle aimerait savoir quand vous irez vous
coucher, m’expliqua l’ancien. Premier choix féminin de Chieh-chieh, elle a été
désignée entre toutes pour rendre mémorable votre nuit parmi nous, et il lui
tarde de s’y mettre.
    — Très hospitalier de sa part, dis-je, en la
détaillant avec circonspection.
    Les habitants de la terre des Quatre Rivières,

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