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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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il aurait pu être assez instructif de coucher avec un
spécimen qui avait de telles références. Mais la jeune femme était
regrettablement quelconque, et je n’étais pas décidé à ne représenter qu’une
pièce de plus à son cou. Aussi marmonnai-je une vague excuse à propos de
pèlerinage, laissant entendre que j’étais tenu par un vœu de chasteté propre à
ma religion de Ferenghi. Je la gratifiai d’une pièce pour compenser ma
résistance à ses charmes et m’escamotai vers mon lit. Ce châlit tissé en fibres
de bambou était extrêmement confortable, mais rien qu’avec moi dedans, il
grinça toute la nuit ; il aurait certainement réveillé tout le village si
j’avais eu recours aux services du premier choix féminin de Chieh-chieh. J’en
déduisis qu’en dépit de l’universel intérêt qu’il pouvait présenter pour
l’espèce humaine, le zhu-gan n’était pas forcément approprié à tous les
usages.

 
15
    Mes cavaliers d’escorte et moi-même avancions entre
montagnes, ravines et vallées, parfois perchés sur les hauteurs escarpées de la
route des Piliers, parfois au creux des basses terres couvertes de brillantes
étendues de zhu-gan. Le paysage ne s’était guère modifié, mais nous
sûmes que nous avions atteint les hauts plateaux du To-Bhot dès que les gens
commencèrent à nous saluer en se découvrant, en se grattant l’oreille droite et
en se massant la hanche gauche. Cette façon absurde de saluer, qui signifiait
que le vis-à-vis ne vous souhaitait aucun mal et n’avait l’intention de vous
nuire ni en actes, ni en paroles, était caractéristique des peuples Drok et
Bho. Il s’agissait en réalité du même peuple, mais on appelait Drok les
nomades, Bho les sédentaires. Les Drok, chasseurs et éleveurs, vivaient un peu
à la façon des Mongols des plaines. Ils ne s’en différenciaient que par
l’apparence de leurs tentes, lesquelles étaient noires et non jaunes, dont les
murs n’étaient pas faits de lattes de bois entrelacées, comme c’est le cas des
yourtes. La tente drok tend ses parois autour de piquets fichés dans le sol, et
son toit est soutenu par des cordes fixées à de longues perches, elles-mêmes
maintenues par d’autres cordes chevillées en terre sur l’arrière. Elles
ressemblent ainsi à de grosses araignées noires karakurt, blotties et
recroquevillées entre leurs minces et hautes pattes.
    Bien que regroupés en petites communautés, les Bho,
marchands ou agriculteurs, étaient encore bien moins confortablement installés
que leurs cousins Drok. Ils avaient tapi leurs villes et leurs villages au
creux des fissures de très hautes falaises, ce qui les avait obligés à bâtir
leurs habitations littéralement les unes sur les autres. C’était contraire
à ce que je connaissais de la religion bouddhiste, laquelle considère la tête
comme le siège de l’âme, de sorte que jamais une mère n’osera gifler son
enfant. Pourtant, les Bho vivaient ici en déversant sans vergogne leurs
déchets, restes et excréments sur le toit des voisins du dessous, quand ce
n’était pas directement sur leur tête. Cette obsession de bâtir le plus
possible en hauteur remontait aux temps lointains où les Bho révéraient une
divinité nommée Amnyi Machen, le « Vieil Homme Paon ». Comme il était
censé habiter sur les cimes des plus hauts pics, tous s’évertuaient à résider
le plus près possible de lui.
    Mais, à présent que tous les Bho étaient devenus
bouddhistes, en haut de chacune de leurs communautés trônait une lamaserie,
appelée par ses habitants potala. La dernière syllabe, la, signifiait
montagne, les deux premières, pota, correspondaient à la prononciation
par le peuple Bho du nom Bouddha. Je ne ferai pas de jeu de mots grivois, je
vous rassure, sur le mot vénitien pota, dont l’indécente acception est
sans objet ici. Il n’est vraiment pas besoin d’inventer des motifs de
moquerie des Bho et de leur religion. Le potala étant le bâtiment le
plus élevé et le plus populeux dans toutes les communautés, les moines et les
prêtres locaux, ici nommés « lamas » et « trapas »,
déféquaient copieusement, par la force des choses, sur la congrégation laïque
installée plus bas. Mais je devais bientôt découvrir que le bouddhisme, ici
dans sa forme locale de « potaïsme », était lamentablement perverti par
de plus étranges folies.
    Une ville Bho pouvait sembler, de loin, tout à fait
charmante, du moins

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