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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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prendre ne serait-ce que la ville de Chiang-Rai, sa
capitale, et accepter la reddition de son roi, et je ne mettrai pas au pillage
le reste du pays. Ce sera de la sorte une source permanente d’esclaves de
premier choix, futurs ornements du reste du khanat. Hui ! Mais
assez de politique.
    Il poussa de côté son assiette encore généreusement
remplie, se lécha les lèvres en bavant de façon tout aussi généreuse et
annonça :
    — Voici notre dessert pour couronner ce repas. Le durian.
    Ce fut une nouvelle surprise douteuse. Ce fruit
ressemblait à un melon, avec une écorce toute hérissée de piquants, telle une
armure, mais quand le valet de table l’eut découpé, je vis qu’il y avait dedans
de grosses graines semblables à des œufs de cane, et l’odeur qui s’en dégagea
me fit presque reculer.
    — Oui, oui, d’accord, admit Bayan, irrité. Avant
de te plaindre, sache que je sais, ça pue. Mais c’est du durian.
    — Est-ce que ce mot veut dire
« charogne » ? C’est ce que ça sent.
    — C’est le fruit d’un arbre tropical du même nom.
Il a l’odeur la plus répugnante et la saveur la plus exquise. Ignore sa
puanteur et goûte.
    Hui-sheng et moi échangeâmes un regard, et elle me
sembla aussi affligée que je devais en avoir l’air. Mais le mâle doit montrer
son courage devant sa femelle. Je prélevai une tranche de ce fruit couleur
crème et, tentant de ne point sentir, en pris une bouchée. Bayan avait une fois
de plus raison. Le durian a une saveur à nulle autre pareille, je m’en
souviens encore. Mais comment pourrais-je vous la décrire ? Une sorte d’entremets
parfumé aux amandes... et à d’autres arômes plus étranges, plus
inattendus : celui du vin, du fromage et même des échalotes. Loin d’être
aussi doux et juteux que le melon hami, pas aussi rafraîchissant ni
acide qu’un bon sharbat, mais possédant néanmoins un peu toutes ces
qualités, le durian était, je dois l’admettre, pourvu que l’on
persévérât au-delà de son ignoble odeur, une découverte des plus délectable.
    — Chertains ne peuvent plus ch’en pacher, fit
Bayan.
    Il devait en être, car il s’en gorgeait littéralement
et nous parlait la bouche pleine.
    — Ils haïssent le hideux climat de Champa, mais
restent rien que pour le durian car il ne pousse que dans ce coin du
monde.
    Là encore, il avait raison. Hui-sheng et moi fûmes
bientôt tous deux d’ardents amateurs de ce fruit.
    — Et il est plus qu’un délicieux fruit
rafraîchissant, poursuivit-il. Il incite et excite d’autres appétits. Il y a un
dicton, à Ava, qui proclame que « quand le durian tombe, les jupes
se lèvent ».
    C’était également vrai, nous devions en avoir la
preuve un peu plus tard, Hui-sheng et moi.
    Quand nous fumes enfin rassasiés de ce fruit, Bayan
s’appuya sur le dos, s’essuya les lèvres d’un revers de manche et
déclara :
    — Ah ! C’est bien agréable, Marco, de
t’avoir ici. Surtout quand tu débarques aussi joliment accompagné.
    Il se déplia pour tapoter la main de Hui-sheng.
    — Mais combien de temps comptez-vous
rester ? Quels sont vos plans ?
    — Je n’en ai aucun, confiai-je, à présent que je
t’ai délivré les lettres du khakhan. Excepté que j’ai promis à Kubilaï de lui
rapporter un souvenir de sa nouvelle province. Quelque chose d’unique.
    — Hum, fit Bayan, absorbé dans sa réflexion. Pour
l’instant, je ne vois pas mieux qu’un plein panier de durian, mais ils
ne supporteraient pas le voyage. Bon, la journée tire à sa fin : c’est le
moment le plus frais, donc le plus propice à la promenade. Prends avec toi ta
jolie dame et ton interprète, et allez flâner dans Pagan. Si quoi que ce soit
t’intéresse, je te l’offre.
    Je le remerciai de sa générosité. Comme Hui-sheng et
moi nous levions pour partir, il ajouta :
    — Dès que la nuit sera tombée, rentrez au palais.
Les Myama sont de grands amateurs de théâtre et excellent en tant qu’acteurs.
Une troupe joue chaque soir dans la salle du trône une pièce captivante. Je
n’en comprends pas un mot, bien sûr, mais je peux vous assurer que c’est une
histoire tout sauf banale. Ils en sont à leur huitième représentation, et les
acteurs brûlent d’en arriver bientôt aux scènes les plus cruciales, d’ici deux
ou trois soirées sans doute.
    Quand Yissun nous rejoignit, il était accompagné du
chef pongyi du palais vêtu de sa robe jaune. Cet aimable

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