Marco Polo
les
coussins brun foncé de ses seins. Quelque part sous l’entrepont, un Malayu émit
une sorte de hennissement angoissé.
— Leurs proportions sont parfaites, bien
rassemblés tels des oisillons pelotonnés dans leur nid, sans espace entre eux.
Les seins hindous idéaux par excellence. Glissez une feuille de papier dans cette
étroite vallée, elle restera en place. Quant à placer votre linga ici,
n’y pensez même pas. Contentez-vous d’imaginer la douce sensation d’enfermement
étroit et chaud que l’on doit en ressentir. Observez-en les mamelons dressés
tels des pouces, et les soucoupes de leurs aréoles, noires comme la nuit sur le
fond couleur foin doré de la peau. Au moment où vous examinerez votre danseuse
du ventre, Marco- wallah, ayez bien soin de passer un coup de langue
humide sur la pointe de ses tétons, car beaucoup de femmes trichent en les
noircissant de khôl. Mais pas moi... Ces exquis tétons sont tout à fait
naturels, grâces en soient rendues à Vishnou le Préservateur. Ce n’est pas par
hasard que mes parents m’ont appelée « Cadeau des dieux ». J’ai
commencé à bourgeonner à huit ans, suis devenue femme à dix et me suis mariée à
douze. Ah, notez comme les mamelons frémissent et gonflent, comme ils s’érigent
sous la seule caresse de votre regard dévorant. Songez à ce qu’ils
deviendraient s’ils étaient caressés. Mais non, Marco, n’en rêvez même pas.
— Très bien.
Boudeuse, elle les recouvrit, et les nombreux Malayu
qui s’étaient agglutinés derrière les roufs et les espars tout proches se
dispersèrent prestement pour reprendre leurs tâches.
— Je n’énumérerai pas, lâcha-t-elle avec raideur,
les caractéristiques hindoues relatives à la beauté masculine, Marco -wallah, vu qu’elles vous manquent cruellement. Les sourcils d’un bel homme doivent
se rejoindre au-dessus de l’arête du nez, qui doit être long et pendant. Mon
cher époux défunt en avait un aussi long que sa royale lignée. Mais je l’ai
dit, je ne dresserai pas la liste de vos insuffisances. Ce serait peu délicat
de ma part.
— Mais certainement, Tofaa, restez délicate.
Elle représentait peut-être l’idéal féminin selon les
canons des Hindous (elle devait bien l’être, en vérité, car c’est ce que me
confièrent plus tard nombre d’entre eux, ouvertement admiratifs et envieux de
sa concupiscente compagnie), mais, hormis peut-être les Mien ou les Bho, je ne
vois vraiment pas qui l’aurait jugée même passable. En dépit de ses ostensibles
ablutions quotidiennes, très suivies et éminemment complaisantes, Tofaa ne
parvint jamais à être vraiment propre. Il y avait toujours cette peinture sur
son front, bien sûr, la croûte grise qui entourait ses coudes et la peau d’un
gris plus sombre encore entre ses orteils. Je ne dirais pas qu’elle était
littéralement couverte, tels les Mien ou les Bho, d’une couche de crasse des
pieds à la tête, mais elle n’en était pas moins jamais franchement nette.
À Pagan, Hui-sheng s’était toujours promenée pieds
nus, à la mode d’Ava, et Arùn l’avait fait toute sa vie. Or même après une
journée entière à marcher à pas feutrés dans la poussière des rues, leurs pieds
étaient toujours restés, y compris juste avant le bain, assez doux et propres
pour pouvoir être embrassés. Honnêtement, je ne parviens pas à expliquer
comment se débrouillait Tofaa pour avoir tout le temps les pieds aussi sales,
surtout ici, en pleine mer, où il n’y avait rien pour les souiller, que de fraîches
brises et de jaillissants embruns. Peut-être était-ce, peu ou prou, la faute de
cette huile de noix de l’Inde dont elle enduisait les parties exposées de son
corps après sa toilette. Son cher défunt mari ne lui avait laissé en possession
que peu de choses : une outre de cuir de cette huile de noix et un sac,
également en cuir, qui contenait une certaine quantité de copeaux de bois. En
tant que nouvel employeur de Tofaa, je lui avais délibérément offert une
garde-robe conséquente ainsi que toutes les autres nécessités. Elle n’en avait
pas moins conservé ses deux sachets de cuir et les avait emportés avec elle.
J’avais fini par comprendre que l’huile de cette noix de l’Inde lui servait à
conserver le brillant de sa peau huileuse si déplaisante à l’œil. Je n’avais en
revanche aucune idée de ce à quoi pouvaient servir les copeaux de bois...
jusqu’au jour où, parce
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