Marco Polo
qu’elle n’était pas sortie de sa cabine à l’heure du
repas, je frappai à sa porte.
Tofaa était accroupie devant moi dans l’indécente
posture de sa toilette intime et me faisait face ; mais son buisson
m’était dissimulé par un petit pot en céramique qu’elle se collait dans
l’entrejambe. Avant que je puisse lui présenter mes excuses et ressortir de la
cabine, elle éloigna calmement le pot de son intimité. C’était une sorte de
théière dont le bec verseur, tout luisant de ses sécrétions, glissa hors de sa
motte velue. La chose eût déjà été suffisamment surprenante en soi, mais ce qui
le fut encore bien plus, c’est le nuage de fumée bleue qui sortait du pot.
Tofaa y avait à l’évidence glissé des copeaux qu’elle avait mis à chauffer à
feu doux, avant de s’introduire l’extrémité fumante dans les chairs. J’avais
déjà vu des femmes se donner du plaisir avec différents objets, mais jamais
encore avec de la fumée. Je le lui avouai tout de go.
— Une femme décente ne doit pas jouer avec son
intimité, fit-elle d’un ton réprobateur. Les hommes sont faits pour cela. Non,
Marco- wallah, la délicatesse de l’intérieur d’une personne est
plus désirable que l’impression de propreté extérieure. Cette application de
fumée de bois de margousier est une ancienne pratique d’hygiène des femmes
indiennes aussi méticuleuses que moi, et c’est bel et bien pour vous que
je le fais, si peu que vous l’appréciiez.
À dire vrai, je ne voyais vraiment pas là grand-chose
à apprécier, à part une grosse femelle luisante et brun foncé accroupie sur le
sol de la cabine, les deux jambes impudiquement ouvertes, un filet de fumée
bleue s’élevant paresseusement de son dense buisson. J’aurais pu lui faire
remarquer qu’une minime impression de propreté extérieure aurait
certainement augmenté ses chances d’attirer quelqu’un plus près de son
intérieur, mais je me refrénai.
— Le bois de nim prévient le risque de
grossesse non désirée, ajouta-t-elle. Il parfume en outre agréablement la kaksha et la rend délicieuse à qui viendrait fouiller du nez ou brouter par ici.
C’est pourquoi je le fais. Au cas où, submergé un jour ou l’autre par vos
passions brutales, Marco -wallah, vous me prendriez contre mon gré malgré
mes appels à la pitié, vous jetant sur moi sans me laisser le temps de m’y
préparer et forçant votre viril et rigide sthanu à l’intérieur de mes chastes mais si tendres défenses... Voilà pourquoi,
chaque jour, je tiens à m’administrer la précaution de cette fumée de bois de nim.
— Tofaa, j’aimerais que vous cessiez.
— Vous le voulez vraiment ?
Ses yeux s’agrandirent, son yoni aussi, il faut
le croire, puisqu’une volumineuse bouffée de fumée bleue fit soudain irruption
d’entre ses profondeurs.
— Vous voulez que je porte votre
enfant ?
— Gèsu. Je
veux que vous abandonniez cette obsession pour ce qui se passe en dessous de la
ceinture ! Je vous ai engagée comme interprète et j’en suis à frémir par
avance à la moindre de vos paroles, sans parler des miennes. Enfin, pour le
moment, Tofaa, votre riz et votre viande de chèvre sont en train de prendre
l’eau et le sel des embruns. Venez donc vous enfiler quelque chose de l’autre
côté.
J’étais intimement persuadé, à l’époque, qu’ayant
choisi cette Indienne pour traductrice en Inde, j’étais par un hasard
malheureux tombé sur un spécimen particulièrement disgracieux, pathétiquement
dénué d’esprit et de bon sens. J’avais du mal à comprendre comment elle avait
pu devenir la compagne d’un roi et je compatissais plus que jamais avec le
pauvre homme, comprenant mieux à présent pourquoi il avait pu aussi facilement
céder à la fois sa couronne et sa vie. Si j’ai tenu à vous narrer ici certaines
des caractéristiques les moins attrayantes de Tofaa (j’en ai encore passé beaucoup
sous silence, sachez-le) et si je vous ai donné un aperçu de ses incongruités
verbales dont je n’ai pas tout dit, c’était pour que vous puissiez vous rendre
compte, par l’oreille comme par les yeux. Mais je découvris avec horreur, en
arrivant en Inde, que cette Tofaa n’avait rien d’une anomalie. C’était
l’exemple même d’une femelle hindoue adulte typique. Au point que je ne
l’aurais jamais distinguée d’une foule d’autres Indiennes, toutes classes ou
jati confondues. Mais, pire encore, je trouvai les
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