Marco Polo
il
existe pas moins de huit autres degrés qu’il convient d’éviter absolument. Le
moindre d’entre eux, sachez-le, est tout aussi coupable que la plus passionnée,
la plus chaude, la plus moite et la plus délectable des étreintes. Il y a
d’abord la smanara, qui est la pensée de la surata. Il y a
ensuite la kirtana, laquelle consiste à parler de l’acte. En parler à un
confident, je veux dire, comme vous pourriez, par exemple, discuter avec le
capitaine du désir difficilement contrôlable que je vous inspire. Il y a
ensuite le keli, qui désigne le flirt, la badinerie amoureuse à laquelle
vous vous laissez aller avec l’être de vos affections. Puis vient la prekshana, qui n’est autre que l’observation dérobée de sa kaksha, mot qui
désigne, chez l’homme comme chez la femme, les parties qui ne doivent pas être
mentionnées ; ce dont vous vous rendez coupable lorsque je fais mes
ablutions sur l’arrière-pont. Et puis il y a la guyabhashana, qui
désigne toute conversation autour du sujet, comme nous sommes en train de le
faire actuellement, à nos risques et périls. Ce qui nous amène à la samkalpa, qui est l’intention de céder à la tentation de la surata. Laquelle
débouche hélas trop souvent sur l’adyavasaya, la décision d’y céder.
Enfin vient le kriya-nishpati, qui consiste à... eh bien, je veux
dire... à s’y abandonner vraiment. Ce que nous ne devrons surtout jamais faire.
— Merci de m’expliquer toutes ces choses, Tofaa.
J’essaierai vaillamment de me refréner, ne serait-ce que de la pernicieuse smanara.
— Oh.
Elle avait raison lorsqu’elle affirmait que j’avais eu
fréquemment l’occasion de caresser du coin de l’œil sa kaksha qui ne
devait pas être mentionnée. Mais il eût été difficile de l’éviter. Le seau de
toilette des passagers se trouvait perché en hauteur sur l’arrière-pont. Tout
ce qu’elle avait à faire, par mesure de pudeur, lorsqu’elle lavait ses parties
intimes, était de s’asseoir tournée vers la poupe. Mais elle semblait toujours
prendre un malin plaisir à faire face à la proue. Lorsqu’elle dénouait son sari
et écartait le compas de ses épaisses cuisses pour asperger de l’eau du baquet
son entrejambe dénudé, même les plus timorés des matelots Malayu découvraient
des rivages enclins à être embouqués par l’avant. L’endroit étant hérissé d’un
buisson aussi noir et épais que la toison qu’ils avaient sur la tête, cette
vision leur inspirait peut-être une lascive et avide smanara, mais ce
n’était pas mon cas. Au moins, ce buisson cachait-il ce qu’il pouvait contenir.
Aussi, tout ce que je pouvais en savoir tenait à ce que Tofaa avait pris soin
de me confier avec la plus impudique insistance.
— Au cas, Marco -wallah, où vous tomberiez
éperdument amoureux, lorsque nous arriverons à Chola, de quelque jolie danseuse
du ventre et où vous seriez pris de l’envie d’engager avec elle une
conversation aussi leste que celle que vous me tenez souvent, je vais vous
enseigner le vocabulaire nécessaire. Faites très attention, surtout. Votre organe
s’appelle la linga, le sien le yoni. Dès que la danseuse du
ventre a attisé en vous un désir vorace, vos intimités s’érigent... La sienne
est alors appelée vyadhi, la vôtre stanhu qui veut dire
« souche dressée ». Si la jeune femme partage votre passion, son yoni ouvre ses lèvres pour que vous puissiez pénétrer sa zankha. Le mot zankha signifie « coquillage », mais j’espère que celui de votre
danseuse sera bien plus que cela. Ma propre zankha, par exemple, est une
véritable gorge toujours avide, presque affamée, salivant par anticipation de
la... Non, non, Marco -wallah, ne me suppliez pas de vous laisser glisser
un doigt tremblant pour aller vérifier son empressement brûlant à étreindre, à
sucer et à aspirer la... Non, non. Nous sommes des personnes civilisées. Il est
bon de nous trouver ainsi ensemble, tout proches l’un de l’autre, à regarder la
mer en conversant aimablement, sans aucune compulsion à rouler sur le pont dans
une violente étreinte qui pourrait tout aussi bien se dérouler dans votre cabine,
voire dans la mienne. Oui, il est bon de maintenir fermement les rênes de notre
nature animale, même lorsque nous discutons aussi crûment que nous le faisons,
et de façon aussi provocante, disons-le, de votre ardente linga et de
mon languissant yoni.
— J’aime cela, fis-je
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