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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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et
les contorsions concevables, dont certaines que je n’aurais jamais pensé à
essayer. Presque tous ces actes sculptés, s’ils avaient été accomplis en terre
chrétienne, même par un homme et une femme légitimement mariés, auraient requis
leur comparution immédiate devant le confesseur. Lequel, une fois informé des
détails de la performance, aurait probablement titubé jusqu’à son supérieur
hiérarchique pour lui demander à son tour l’absolution.
    — Je veux bien admettre, confiai-je à Tofaa,
qu’une jeune fille à peine sortie de l’enfance puisse être soumise par son
nouveau mari à l’acte naturel de la surata. Mais allez-vous me faire
croire qu’elle est forcée d’être initiée à des divagations sexuelles aussi
démentielles ?
    — Elle n’en sera qu’une meilleure épouse si elle
les connaît. Dans tous les cas, il vaut mieux qu’elle ait été préparée aux
goûts les plus curieux que pourrait manifester son mari. Elle est une enfant,
certes, mais lui peut être un homme mûr, vif et expérimenté. Ou même un très
vieil homme, ayant depuis longtemps épuisé les excès de l’acte de chair et ne
cherchant désormais plus que la nouveauté.
    Ayant été moi-même mené toute ma vie par mon
insatiable curiosité et conduit de ce fait dans quelques situations inédites,
j’étais assez mal placé pour pointer d’un doigt accusateur les pratiques
privées d’une personne ou d’un peuple. Aussi me contentai-je de suivre autour
du temple le sâdhu au petit sourire satisfait sans pousser de cris
surpris ou scandalisés alors que Tofaa expliquait avec complaisance :
    — Voici l’adharottara, qui s’exécute
tête-bêche... et ici, la viparita surata, l’acte pervers entre tous
puisque...
    En fait, je regardais les sculptures d’un tout autre
œil, les envisageant, en mon for intérieur, d’un point de vue assez différent.
    Ces bas-reliefs suggestifs avaient certes bien de quoi
effaroucher le prude spectateur, mais on ne pouvait dénier même aux plus
licencieux une finesse artistique, une beauté et une délicatesse du détail
indiscutables. Les actes décrits étaient en eux-mêmes notoirement paillards.
Parfois même obscènes, Dieu m’en est témoin. Mais les hommes et les femmes qui
s’y livraient étaient radieux, souriant avec un bonheur évident, et tous
semblaient animés d’une vivacité pleine d’esprit, que ce soit dans l’attitude
ou dans la physionomie. Ils prenaient du plaisir, ils s’amusaient. Ces sculptures
exprimaient une virtuosité artistique remarquable en soi, mais aussi une
véritable joie de vivre. Ce qui ne s’accordait pas du tout avec les Hindous
tels que je les connaissais...
    Un autre exemple curieux tenait à leur négligence du
passé : contrairement aux Han, dont les historiens avaient méticuleusement
archivé chaque petit événement survenu dans leur empire depuis des milliers
d’années, les Hindous ne possédaient pas un seul livre relatant leur histoire.
Ils n’avaient que quelques recueils « sacrés » d’incroyables
légendes, peu crédibles dans la mesure où elles ne mettaient en scène que des
hommes braves comme des tigres et pleins de ressources, et des femmes adorables
aussi douces que des anges. Autre exemple qui, lui, tenait à
l’habillement : leurs saris et leurs dhotì n’étaient que des
emmaillotements de tissu. Bien que les peuples les plus primitifs eussent
depuis longtemps inventé l’aiguille et la technique de la couture, les Hindous
n’en étaient jamais arrivés à ce point. Il n’y avait du reste aucun mot, dans
aucun de leurs multiples dialectes, pour désigner le « tailleur ».
    Comment, me demandais-je à part moi, un peuple
ignorant une technique aussi élémentaire que la couture pouvait-il avoir
envisagé et réalisé avec ce sens artistique poussé les sculptures délicates qui
figuraient sur ces temples ? Comment un peuple aussi indolent et plaintif
pouvait-il avoir ici représenté des hommes et femmes aussi joyeux et lestes,
inventifs et adroits, pétulants et insouciants ?
    Ils n’avaient pu le faire. Je supposai que ces terres
avaient été occupées, longtemps avant que les Hindous s’y installent, par
quelque autre race très différente, vive et douée d’un véritable talent. Dieu
sait où avait pu disparaître ce peuple supérieur, mais il avait laissé des artefacts
tels que ce splendide temple sculpté. Aucune autre trace d’eux n’avait subsisté
de façon

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