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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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un Turc de passage, il n’y
a pas longtemps. Je l’ai aidé à changer un fer à l’un de ses chevaux. Rien que
pour cela, j’ai été châtié par le Chiti Ayakkabi. Un tout petit service,
rendu à un simple Turc. Que me fera le Chiti s’il apprend que j’ai
accordé une faveur à un Mongol ?
    — Suffit ! aboya notre cavalier d’escorte.
Vas-tu nous vendre ce mouton, oui ou non ?
    — Non, je ne peux pas.
    Le Mongol ricana d’un air méprisant, en le regardant
de haut :
    — Tu n’es même pas capable de te lever comme un
homme lorsque tu nous nargues. Très bien, couard de Kurde, tu te refuses à
vendre. Eh bien, te lèveras-tu pour m’en empêcher si je vais le prendre ?
    — Non, je ne peux pas. Mais je vous mets en
garde. Le Chiti Ayakkabi vous fera regretter ce vol.
    Le Mongol rit durement et cracha dans la poussière
juste devant l’homme assis, puis remonta à cheval et alla égorger une brebis
bien grasse du troupeau qui paissait dans la prairie, derrière la hutte. Je
restai immobile, curieux, dévisageant le berger effondré au regard défait. Je
savais que chiti voulait dire « brigand » et croyais savoir
que ayakkabi désignait une chaussure. Je me demandai quel genre de
brigand pouvait bien s’arroger le titre de « Brigand Chausseur » et
le droit de punir ses camarades kurdes d’avoir fourni de l’aide à leurs
présumés oppresseurs.
    Je tentai d’en savoir plus auprès de l’homme :
    — Comment t’a-t-il châtié, ce Chiti
Ayakkabi ?
    Sans un mot, il me montra ses pieds en soulevant sa
peau de mouton. Il était facile de comprendre pourquoi il ne s’était pas levé
pour nous accueillir, et je compris le nom étrange de ce brigand. Les deux
pieds du berger, restés nus, étaient maculés de sang séché et parsemés de
clous ; non pas de têtes de clous, mais de pointes de clous en saillie...
Ils avaient été garnis de fers à cheval !
    Deux ou trois nuits plus tard, près d’un
village nommé Tunceli, le Chiti Ayakkabi nous fit regretter le vol du
mouton. Tunceli était un village kurde qui ne possédait qu’un caravansérail
très petit et délabré. Comme notre groupe d’une quinze cavaliers et de trente
bêtes l’aurait à l’évidence surchargé, nous traversâmes le village et dressâmes
le campement dans une clairière herbeuse un peu plus loin, où coulait un clair
ruisseau. Nous avions mangé et venions de nous enrouler dans nos couvertures
pour nous endormir, ne laissant qu’un des Mongols de garde, lorsque des bandits
surgirent de la nuit.
    Notre sentinelle solitaire eut à peine le temps de
hurler «  Chiti ! » qu’une hache lui fendait le crâne. Les
autres se débarrassèrent précipitamment de leurs couvertures, mais les brigands
étaient déjà sur nous, armés de poignards et de gourdins. S’ensuivit une grande
confusion dans la faible clarté du feu presque éteint. Mon père et moi dûmes à
oncle Matteo de n’être pas égorgés aussi prestement que nos gardes mongols. Ces
guerriers ayant en effet bondi sur leurs armes, les bandits les maîtrisèrent en
premier. Mais mon père et moi avions vu Matteo se lever près du feu et regarder
autour de lui, immobile et amusé, et avions eu tous deux le même réflexe :
nous nous étions jetés sur lui pour le plaquer au sol afin qu’il ne constitue
pas une cible trop visible. L’instant d’après, quelque chose me frappa derrière
l’oreille, et pour moi la nuit devint totalement noire.
    Je me réveillai étendu sur le sol, la tête doucement
maintenue sur des genoux. Dès que ma vision fut assez nette, j’aperçus
au-dessus de moi, dans la clarté du feu réactivé, un visage féminin. Ce n’était
pas la face solide et large d’une femme kurde, encadrée d’un amas de cheveux
noirs ; ceux-là étaient brun-rouge. Je fis en sorte de rassembler mes
souvenirs et marmonnai en farsi, d’une voix rauque :
    — Je suis mort, et vous êtes un péri, n’est-ce
pas ?
    — Tu n’es pas mort, Marco Effendi. Je t’ai
reconnu juste à temps pour crier aux hommes d’arrêter.
    — Tu m’appelais Mirza Marco, dans le
temps, Sitarè.
    — « Marco Effendi » veut dire la même
chose. Je suis plus kurde que persane, maintenant.
    — Comment va mon père ? Et mon oncle ?
    — Ils ne sont même pas contusionnés. Je suis
désolée que tu aies pris un coup. Peux-tu t’asseoir ?
    Je me levai, bien que ce mouvement m’ait presque fait
rouler la tête sur les épaules, et

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