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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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cartes, soit encore le
Kurdistan, pour les Kurdes qui l’habitaient.
    La contrée, verdoyante, était plaisante. Ses régions
censées être les plus sauvages ne l’étaient pas vraiment ; elles
semblaient au contraire scrupuleusement cultivées, avec des collines ondulantes
couvertes de prairies herbeuses nettement séparées par des massifs forestiers,
de telle sorte que le paysage semblait aussi méticuleusement aménagé qu’un
jardin d’agrément. L’eau y abondait, dans les ruisseaux scintillants comme dans
les immenses lacs bleus. Les habitants étaient tous kurdes ; certains
étaient fermiers et villageois, mais la plupart vivaient en familles de nomades
qui suivaient leurs troupeaux de moutons et de chèvres. Ils formaient l’un des
plus beaux peuples que j’ai pu voir en terre islamique. Très noirs d’yeux comme
de cheveux, ils avaient le teint presque aussi clair que le mien. Les hommes,
grands et bien bâtis, portaient de fières moustaches ; ils avaient la
réputation d’être de farouches combattants. Leurs femmes étaient bien faites et
jolies à regarder. Elles étaient surtout indépendantes, méprisant le port du
voile et refusant de vivre recluses dans le pardah imposé à presque
toutes les autres femmes de l’Islam.
    Ces Kurdes reçurent cordialement les voyageurs que
nous étions – les nomades sont toujours hospitaliers avec ceux qui leur
semblent aussi nomades qu’eux –, mais jetèrent des regards peu amènes aux
Mongols de notre escorte. Il y avait des raisons à cela. En plus des
complications de races, de noms de nations, d’empires et de frontières,
l’Empire seldjoukide se trouvait alors en état de vassalité imposée par
l’ilkhanat de Perse. La situation remontait à l’époque où, par traîtrise, un
ministre turc avait tué le roi légitime Kilij, le père de mon amie de naguère,
la princesse Mar-Janah, et usurpé le trône en promettant de se soumettre à
l’ilkhan de l’époque, Abagha. L’Empire seldjoukide, gouverné par un certain Massoud
depuis sa capitale d’Erzincan, était en réalité subordonné au fils survivant
d’Abagha, le régent Kaikhadu, dont nous venions de quitter la cour à Maragheh
et dont les gardes nous accompagnaient. Si nous autres voyageurs étions les
bienvenus, les guerriers mongols, eux, ne l’étaient pas.
    On aurait pu croire que les Kurdes – lesquels
s’étaient rebellés, au cours de leur histoire, contre tous les
non-Kurdes qu’on avait tenté de leur imposer – accorderaient peu d’importance
au fait que la capitale théorique de leur gouvernement fut placée à Erzincan ou
à Maragheh, dans la mesure où ici, à plus de cent farsakh de chacune de
ces villes, personne, en réalité, ne les gouvernait vraiment. Mais ils
considéraient les Mongols comme une tyrannie supplémentaire à celle des Turcs,
à laquelle ils étaient déjà rétifs, et leur haine à leur encontre n’en était
que plus bouillante. Nous en mesurâmes le degré, un après-midi, lorsque nous
fîmes halte près d’une hutte isolée afin d’acheter un mouton pour notre repas
du soir.
    Le propriétaire de la hutte était assis sur le seuil
et tenait son manteau en peau de mouton serré autour de son cou comme s’il
avait froid. Mon père et moi, accompagnés d’un seul garde mongol, nous
approchâmes et descendîmes poliment de cheval, mais le berger choisit pour sa
part de ne pas se lever, ce qui était assez discourtois. Les Kurdes ont leur
idiome, mais presque tous parlent également le turc, tout comme nos cavaliers
d’escorte mongols. De toute façon, la similitude entre le turc et le mongol était
telle que je pouvais comprendre n’importe quelle conversation. Notre Mongol
demanda à l’homme s’il pouvait lui acheter un mouton. L’homme, toujours assis,
refusa, le regard maussade fixé au sol.
    — Je n’ai pas à commercer avec nos oppresseurs.
    — Personne ne vous opprime, rétorqua le Mongol.
Ces voyageurs ferenghi vous demandent une faveur et sont prêts à vous
payer pour cela. D’autre part, Allah vous enjoint à l’hospitalité envers les
voyageurs, je crois.
    Le berger répliqua, avec une grande mélancolie dans la
voix :
    — Mais eux exceptés, vous êtes des Mongols, et
vous allez manger aussi de ce mouton.
    — Et alors ? À partir du moment où tu auras
vendu cet animal aux Ferenghi, en quoi t’importe ce qu’il
deviendra ?
    Le berger renifla et lâcha, presque en larmes :
    — J’ai rendu service à

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