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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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fin de compte ne rien me révéler du tout.
    — Les Han ont toujours été infatués de
chiffres ! appuya Chingkim. Les cinq vertus cardinales [2] . Les cinq
liens de parenté. Les trente positions de l’amour, les six façons de pénétrer,
les neuf types de mouvements. Ils régulent même leur politesse. Ils ont, je
crois, trois cents règles de cérémonie et trois mille règles de
savoir-vivre.
    — Et cependant, Marco, poursuivit Kubilaï, mes
autres informateurs, qu’ils soient musulmans ou même mes officiels mongols,
tendent en général à évincer de leurs comptes rendus tout élément à leur avis
susceptible de me déplaire. J’ai un immense royaume à administrer et n’ai point
le don d’ubiquité. Comme l’a expliqué un jour un sage conseiller Han :
« On mène la conquête à dos de cheval, mais pour gouverner, il faut en
descendre. » Or cela dépend étroitement des rapports qui me parviennent
des régions éloignées, et ceux-ci contiennent tout, sauf l’essentiel.
    — Prends ces espions, enchaîna Chingkim, et
envoie-les aux cuisines enquêter sur le menu du dîner : ils te ramèneront,
tu peux en être certain, toutes les indications sur sa densité, ses
ingrédients, sa coloration, son arôme et la quantité de vapeur qu’il dégage.
Quant à savoir si c’est bon ou pas, en revanche, n’y compte pas !
    Kubilaï opina du chef.
    — Ce qui m’a frappé au banquet, Marco – et mon
fils est d’accord avec moi sur ce point –, c’est que tu as un vrai talent pour
discerner le goût des choses. Dès que ces espions ont eu clos leur interminable
laïus, il ne t’a suffi que de quelques mots. Oh, certes, ce n’étaient pas des
modèles de tact, mais ils m’ont donné la saveur exacte de la soupe qui se
mitonnait au Sin-kiang. J’aimerais donc tester les aptitudes que tu sembles
posséder pour en faire usage ultérieurement.
    — Vous souhaiteriez faire de moi votre espion,
Sire ?
    — Non. Un espion doit se fondre dans la localité
où il opère, et un Ferenghi comme toi aurait bien du mal à y parvenir
dans mes domaines. D’autre part, je me vois mal demander à l’homme respectable
que tu es une besogne aussi basse que celle de fureter et de dénoncer. Non,
j’ai d’autres types de missions en tête. Pour les mener à bien, il te faudra
posséder, en plus de la maîtrise de la langue, bien d’autres qualités. Et
crois-moi, elles ne seront pas si faciles à acquérir. Il te faudra du temps, de
la persévérance et des efforts.
    Il me jaugeait d’un regard pénétrant, comme pour
déceler si la perspective d’une tâche aussi rude me faisait reculer, aussi
osai-je avec intrépidité :
    — C’est un honneur que de se voir chargé par le
khakhan d’une tâche, même fastidieuse. Cet honneur n’en sera que plus grand
s’il doit conduire à une fonction d’importance significative.
    — Ne sois pas si pressé d’accepter. Tes parents,
si j’ai bien compris, ont des projets commerciaux. Ce pourrait être un travail
plus facile, plus lucratif et sans doute beaucoup moins dangereux que ce que je
pourrais un jour exiger de toi. Aussi, tu as d’avance ma permission de
t’associer à leurs desseins, si là va ta préférence.
    — Je vous en sais gré, Sire. Mais si je n’avais
recherché que la sûreté et la sécurité, je serais sagement resté chez moi.
    — Ah, bien. Voilà qui est judicieusement
parlé : celui qui veut monter haut doit laisser beaucoup derrière lui.
    À quoi Chingkim ajouta :
    — Comme on l’affirme aussi : l’homme
courageux n’a devant lui que des avenues, jamais de murs.
    Je décidai de demander à mon père si c’était ici, à
Kithai, qu’il avait amassé le lot de proverbes dans lequel il puisait toujours
si libéralement.
    — Jeune Polo, laisse-moi te déclarer ceci, reprit
Kubilaï. Je ne te demanderai jamais de m’expliquer le fonctionnement de ce
détecteur de séismes – ce qui serait pourtant déjà une tâche assez ardue –,
mais ta mission sera bien plus difficile, sans doute. Je souhaiterais que tu en
apprennes autant que tu le pourras sur les obscurs mécanismes qui régissent mon
gouvernement et ma cour. Ils sont bien plus complexes, tu peux m’en croire, que
les rouages contenus dans cette mystérieuse urne.
    — Je suis prêt à vous obéir, Sire.
    — Viens donc te pencher à cette fenêtre,
pria-t-il tout en m’y conduisant.
    Comme celles de ma suite, elle n’était pas garnie d’un
verre

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