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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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qu’on
les lui ait confiées. Souvenez-vous, messire Marco, que j’admire ma mère
d’avoir fait un bon mariage. Mais je pourrais être moins admirative de la façon
dont elle y est parvenue, et vous comme moi. J’ai le soupçon bien ancré que son
union avec mon père a dû être précipitée par... comment dire ?, le fait
d’avoir anticipé l’événement, dans une certaine mesure. Je crains que
confronter la date de leur consento di matrimonio à celle qui est
inscrite sur mon propre atta di nascita ne soit un peu... embarrassant.
    Je souris en voyant l’inquiétude de Donata à l’idée de
choquer un homme aussi endurci que moi et aussi indifférent à ce genre de
révélation. Elle devait ignorer, pensais-je, que l’immense majorité des
mariages dans les basses classes n’étaient jamais consacrés par le moindre
document officiel. Si Doris avait vraiment, par la plus ancestrale des ruses
féminines, réussi à passer du popolàzo au moreldi mezo, cela
n’entamait en rien mon estime pour elle... ni pour le charmant résultat de sa
ruse. Et si c’était là le seul obstacle dont Donata puisse craindre
l’interférence dans notre mariage, c’était bien peu de chose. Je me fis deux
promesses, à cet instant. L’une à moi-même, silencieuse : je fis le vœu
que jamais, au cours de notre vie maritale, je ne révélerais aucun des secrets
de mon passé, gardant ainsi mes squelettes bien enfermés dans leur placard. La
seconde promesse, je la fis à voix haute, après avoir effacé mon sourire et
pris un visage solennel :
    — Je jure, très chère Donata, de ne jamais vous
faire grief de votre naissance prématurée. Je n’y perçois nulle disgrâce.
    — Ah, vous autres les hommes d’un certain âge
êtes si enclins à la tolérance face à la fragilité humaine... (Je dus
tressaillir à cette remarque, car elle l’amenda vite.) Vous êtes un homme bon,
messire Marco.
    — Tout comme l’était votre mère. Ne lui en
veuillez pas d’avoir fait son chemin avec détermination. Elle savait parvenir à
ses fins.
    Je me souvins, non sans une once de culpabilité, d’un
exemple frappant. Ce souvenir amena une question :
    — Je crois comprendre qu’elle n’a jamais
mentionné notre relation, n’est-ce pas ?
    — Pas que je me souvienne. Elle aurait dû ?
    — Non, non. Je n’étais rien, à l’époque. Rien qui
soit digne d’être mentionné. Mais je dois confesser...
    Je m’arrêtai, car je venais de jurer que je ne
révélerais rien de ce qui avait eu lieu dans ma vie passée. Et je me voyais mal
confier que Doris Tagiabue avait perdu sa virginité avant de rencontrer Lorenzo
Loredano pour s’être donnée à moi auparavant. Je me contentai de répéter :
    — Votre mère savait comment parvenir à ses fins.
Si je n’avais pas eu à quitter Venise, il aurait fort bien pu arriver qu’elle
m’épouse, moi, quand nous aurions eu quelques années de plus.
    Donata eut une moue charmante.
    — Ce n’est pas très galant de parler de la sorte,
même si c’est la vérité. Vous me faites passer pour un second choix.
    — Et maintenant, c’est vous qui me faites
passer pour un client mégotant sur la place du marché. Je ne vous ai pas
choisie de mon plein gré, jeune fille. Je n’y ai été pour rien. Dès que je vous
ai vue, j’ai tout de suite pensé : « Elle doit avoir été mise sur
terre pour moi. » Et quand vous avez prononcé votre nom, je l’ai su. J’ai
su que la vie m’avait envoyé un cadeau.
    Cela lui plut, et sa contrariété fondit.
    Lors d’une autre conversation, alors que je lui
faisais la cour, nous étions assis ensemble lorsque je lui posai cette question :
    — Qu’en est-il des enfants quand nous serons
mariés, Donata ? Elle battit des paupières, perplexe, comme si je lui
avais demandé si elle comptait continuer à respirer après notre mariage. Aussi
enchaînai-je :
    — Un couple marié est bien sûr censé avoir des
enfants. C’est une chose tout à fait naturelle. Attendue par leurs familles,
l’Église, Notre Seigneur Dieu, les gens de la ville en général. Mais en dépit
de toutes ces attentes, il doit bien y avoir des gens qui ne souhaitent pas s’y
conformer.
    — Je n’en fais pas partie, répondit-elle comme
elle le ferait au catéchisme.
    — Et il en est qui tout simplement ne peuvent
pas. Après un instant de silence, elle avança :
    — Êtes-vous en train d’insinuer, Marco... ?
    Elle ne s’adressait plus à

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