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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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ces
difficiles noms de lieux orientaux mal orthographié, sans doute mal prononcé ou
mal épelé par mes soins... Ta graphie de Saianfu, par exemple, au lieu du
correct Yunnanfu, ou de Yang-zho pour Hangzhou, qui nous aurait transportés,
moi et ma carrière de collecteur d’impôts à Manzi, dans une cité toute
différente, fort éloignée de celle où j’exerçais. Il est vrai que je n’ai
jamais été pointilleux sur ce genre de bévues, et j’espère que tu ne prends pas
mal le fait que je les mentionne ici. Nul autre que moi ne s’en soucierait, du
reste – car enfin qui, dans notre monde occidental, pourrait se douter de la
différence entre Yang-zho et Hangzhou ? J’avoue n’avoir moi-même jamais
pris la peine de les faire corriger par mon scribe lorsqu’il prenait copie de
mes notes.
    Je suis allé offrir l’un de nos exemplaires au doge
Gradenigo, qui doit l’avoir immédiatement fait circuler parmi son conseil de
nobles, lesquels l’auront peut-être fait suivre à leur famille, voire à leurs
serviteurs. J’ai fait don d’une autre copie au prêtre de notre nouvelle
paroisse de Saint-Jean-Chrysostome, qui l’a sans doute fait passer parmi les
clercs de sa congrégation. Et, en un rien de temps, je me retrouvai de nouveau
célèbre. Avec une avidité peut-être encore plus grande que lors de mon retour de
Kithai, des gens ont cherché à faire ma connaissance, m’accostant sur mon lieu
de travail, me pointant du doigt dans la rue, sur le Rialto ou depuis une
gondole de passage. Et tes propres copies, Luigi, ont dû proliférer telles des
semences de pissenlit car les marchands et les voyageurs étrangers venus
visiter Venise affirment qu’ils sont venus autant pour me rencontrer que pour
admirer la basilique San Marco et les autres monuments de la cité. Quand je les
recevais, beaucoup m’expliquaient qu’ils avaient lu le Devisement du Monde chez
eux, déjà traduit dans leur propre langue.
    Comme je l’ai dit, Luigi, nous avons peu gagné à
omettre les nombreux détails que nous avons jugés trop merveilleux pour être
crus. Certains des enthousiastes qui ont cherché à m’approcher ont certes voulu
rencontrer celui qu’ils considéraient comme un lointain voyageur, mais bien
plus encore voulaient voir le grand romancier pour lequel ils me prenaient,
l’auteur d’une fiction aussi distrayante que fantaisiste. D’autres cachaient à
peine leur désir de découvrir de visu le prodigieux menteur que j’étais
et s’amassaient telle la foule des spectateurs venus assister à la frusta de
quelque éminent criminel entre les piliers de la piazzetta. Il semblait
que plus je protestais (« Je n’ai rien dit que la vérité ! »),
moins ils me croyaient et plus ils me considéraient avec un air rieur teinté de
tendresse. Je pouvais difficilement me plaindre, certes, d’être devenu le point
de mire de leurs regards, pour la plupart empreints d’une admiration chaleureuse,
mais j’aurais préféré être connu pour autre chose que pour conter des fables.
    Notre nouvelle Ca’ Polo était située dans la Corte
Sabionera et je suppose que même le tout dernier plan des rues de Venise
mentionne le nom officiel de cette petite place, qui est la cour du
Lest-des-Navires. Mais aucun Vénitien ne l’appelait plus ainsi. On ne la
connaissait plus que comme la Corte del Milione – en mon honneur – car
je n’étais plus désigné désormais que sous le nom de « Marco
Milione », l’homme d’un million de mensonges, de fictions et
d’exagérations. J’étais devenu célèbre, mais d’une notoriété dont je me serais
volontiers passé.
    J’ai appris, avec le temps, à vivre avec ma nouvelle
réputation, et même à ne plus prêter attention à la troupe de garnements qui
s’amusait parfois à me suivre de chez moi jusqu’à la Compagnie ou jusqu’au
Rialto. Ils brandissaient des épées de bois et caracolaient d’un galop un peu
gauche, en se frappant le derrière aux cris de « Approchez-vous, grands
princes ! » et de « l’Orda t’attrapera ! ».
Cette attention finissait par être une nuisance, car elle permettait à des
étrangers de me reconnaître et de me saluer même quand j’aurais préféré
l’anonymat. Mais c’est en partie parce que j’étais devenu aussi illustre qu’un
autre événement survint.
    J’ai oublié où je me promenais ce jour-là, mais, dans
la rue, je me trouvai soudain face à la petite Doris, celle qui avait été

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