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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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employé à une
tâche que j’hésite presque à décrire, tant j’aurais refusé de la croire si on
me l’avait racontée. C’était un animal bien bâti, au poil raide tirant sur le
roux, désigné du nom de xiang-gou. Chacun d’eux était équipé d’un
harnais, à la façon d’un poney, et marchait avec un harmonieux mélange
d’attention et de dignité, car son attelage était relié par une sangle à un
homme ou une femme. La personne qui tenait cette lanière était aveugle. Il ne
s’agissait pas d’un mendiant, mais d’un homme ou d’une femme qui se rendait au
travail ou partait se promener. C’est la pure vérité. Le xiang-gou, autrement
dit le « chien-guide », avait été élevé et entraîné à conduire son
maître atteint de cécité et, presque miraculeusement, il parvenait à
l’escorter, lui évitant de trébucher ou de se cogner, l’entraînant avec sûreté
à travers la foule et le trafic des voitures à bras.
    Aux étonnements de la vue s’ajoutaient des odeurs et
des sons dont l’origine était parfois commune. Presque à chaque coin de rue se
dressait un chariot à bras sur lequel étaient présentés des plats chauds à
l’intention des gens qui travaillaient dehors ou des piétons contraints de
manger en chemin. L’odeur du poisson ou de la viande qu’on y faisait frire
chatouillait les narines, accompagnée du grésillement de la cuisson. Ou alors
c’était le doux arôme du vermicelle aillé en train de bouillir qui se mêlait
aux sucions des chalands qui aspiraient les pâtes en les portant prestement du
bol jusqu’à la bouche à l’aide de leurs baguettes. Khanbalik étant la ville du
khan, elle était constamment arpentée de nettoyeurs de rues armés de seaux et
de balais. Ses artères étaient par conséquent généralement exemptes, plus que
dans n’importe quelle autre ville de Kithai et sans doute que partout ailleurs
en Orient, des relents nauséabonds des excréments humains. L’odeur qui dominait
à Khanbalik était un mélange d’épices et d’huile de friture. À laquelle
s’ajoutaient, à mesure que j’avançais entre les échoppes du marché, le parfum
du jasmin, l’arôme du thé, l’âcreté de la fumée des braseros, la douceur du
santal, des fruits ou de l’encens, et parfois même un effluve de parfum de
femme, soufflé par le mouvement de son éventail.
    De jour comme de nuit, jamais les bruits de rue ne
cessaient : le jacassement volubile et chantant des gens qui devisaient
sans relâche, le grondement des roues des charrettes à bras et des lourds
chariots de transport, le tintement fréquent des clochettes, dont beaucoup de
cochers se servaient pour frayer le passage, le son percutant des sabots de
chevaux et de yacks, le pas plus léger des ânes, le glissement traînant des
coussinets des chameaux et le frou-frou crissant produit par l’éternel
sautillement des porteurs aux sandales de paille usées jusqu’à la corde. Ce
brouhaha était souvent ponctué de la harangue d’un vendeur de poisson ou du
hurlement d’un marchand de fruits, du martèlement du négociant en volailles qui
frappe sur son canard de bois creux ou de la réverbération du tambour d’alarme sur
une des tours de la ville qui signalait une alerte au feu. De temps à autre,
pourtant, la rumeur de la rue cédait la place à un silence respectueux, sur le
passage trottinant d’une troupe de gardes du palais ouvert par une fanfare dont
l’un des hommes tapait sur une sorte de lyre faite de baguettes en osier,
tandis que les autres jouaient de la badine afin d’écarter la foule pour
quelque noble seigneur à dos de cheval ou porté dans un palanquin.
    Parfois, survolant ce brouhaha, se faisait entendre un
son mélodieux et flûte qui zébrait l’air. Les premières fois qu’il frappa mon
tympan, j’en fus intrigué. Puis je me rendis compte qu’il émanait de volées de
pigeons dont certains avaient été munis d’un petit sifflet, lequel se mettait à
chanter au contact de l’air. Je remarquai aussi, dans la masse des pigeons
ordinaires, la présence d’une espèce plus duveteuse que les autres que je
n’avais encore jamais observée. Ces oiseaux étaient capables, sur leur trajet
aérien rectiligne comme celui d’un équilibriste sur une invisible corde raide,
d’effectuer soudain en plein ciel un saut périlleux en faisant une pirouette
complète avant de poursuivre leur vol aussi posément que s’ils n’avaient rien
accompli

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