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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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moi ! » Bien plus aisé, en
tout cas, que de reconnaître avec honnêteté : « Incapable de dominer
la vilenie du monde qui m’entoure, je n’ai même pas envie d’essayer de le
faire... » Souviens-toi de cela, Marco, et ne te prive jamais de l’audace.
    Je demeurai assis, méditant quelque réponse qui ne
parût pas trop empesée d’une religiosité nigaude. Mais constatant qu’il était
retombé dans une réflexion toute personnelle entrecoupée de grommellements, je
me levai et pris discrètement congé de lui.
    Pauvre oncle Matteo. Il semblait à tout prix vouloir
se raccrocher à l’idée que sa nature dévoyée, loin d’être une infirmité, était
au contraire une supériorité, bien qu’elle ne fût pas reconnue dans ce monde
médiocre. Il se plaisait à croire que, si le destin ne l’avait pas privé de ses
facultés, il aurait prouvé à ce monde aveugle qu’il était en effet, de par sa
nature même, un être supérieur. Ma foi, ce n’était pas la première fois que je
croisais des gens qui, ne pouvant dissimuler une évidente déficience,
l’érigeaient en une vertu bénie du ciel. J’avais par exemple connu les parents
d’un enfant né mal formé qui, ayant constaté ce handicap, avaient changé son
nom de baptême en « Chrétien », avec la pathétique prétention de
croire que, si le Seigneur l’avait aussi mal doté pour la vie, c’est qu’il le
destinait à rejoindre plus rapidement le paradis. J’avais beau avoir le plus
grand respect pour les handicapés, je continuais fermement à croire que l’idée
de qualifier un défaut, un manque ou une flétrissure d’une appellation noble ne
relevait que de l’escroquerie intellectuelle.
    Je revins à mes appartements et y trouvai le wang Chingkim
qui m’attendait. Nous nous dirigeâmes ensemble vers le lointain bâtiment qui
abritait l’atelier de l’Orfèvre de la Cour.
    — Marco Polo, je te présente maître Pierre
Boucher, déclara Chingkim.
    L’orfèvre me sourit cordialement, me saluant d’un
aimable : « Bonjour, messire Paul [4] . »
    Je ne garde aucun souvenir de ce qu’il put me dire
juste après, car ma surprise était totale. Ce jeune homme, qui n’était pas plus
âgé que moi, était le premier véritable Ferenghi que je rencontrais
depuis mon départ, pour envisager le terme dans son acception originelle de
« Franc ». J’avais en effet ici affaire à un pur Français.
    — En fait, je suis né à Karakorum, l’ancienne capitale
mongole, précisa-t-il dans un mélange de mongol et de français à moitié oublié,
tandis qu’il me faisait visiter son atelier. Mes parents étaient des Parisiens,
mais mon père était devenu l’Orfèvre de la Cour du roi Bela de Hongrie, aussi
ma mère et lui furent-ils faits prisonniers lorsque la ville de Bela, Buda, fut
conquise par l’ilkhan Batu. Ils furent emmenés comme captifs à Karakorum et
livrés à l’ilkhan Kuyuk, le khakhan d’alors. Celui-ci eut tôt fait de
reconnaître le talent de mon père, alors il lui offrit le titre de
« maître Guillaume » et l’accepta au sein de sa cour, où il termina
ses jours avec ma mère, le plus heureusement du monde. C’est ainsi que je vis
ici même depuis que je suis né, au cours du règne du khan Mangu [5] .
    — Si tu jouis d’une telle reconnaissance, Pierre,
et dans la mesure où tu es un homme libre, lui demandai-je, pourquoi ne
quittes-tu pas la cour pour rentrer en Occident ?
    — Ah, oui*. Eh
bien, vois-tu, je doute que je pourrais vivre là-bas aussi luxueusement qu’ici,
car mon talent n’est pas aussi incontestable que celui de mon père. Je maîtrise
assez bien les techniques du travail de l’or ou de l’argent, la taille des
pierres précieuses et la fabrication de bijoux, mais voilà tout*. C’est
mon père qui a réalisé la plupart des ingénieuses machineries que tu
découvriras un peu partout au palais. Lorsque je ne suis pas absorbé dans la
joaillerie, ma principale tâche est d’entretenir ces subtils engins. Ce qui me
vaut les largesses du khakhan Kubilaï qui, comme l’avait fait son prédécesseur,
m’honore d’un traitement privilégié, m’octroyant de confortables conditions de
vie. Je vais bientôt épouser une estimable dame mongole de la cour et suis
comblé par l’existence que je mène ici.
    À ma demande, Pierre voulut bien m’expliquer comment
fonctionnait le détecteur de séismes situé dans les appartements du khakhan –
ce qui, comme je l’ai

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