Marco Polo
pas de soi venant de l’autre. Elles étaient tendues, nerveuses.
Pourtant, note après note, dirais-je presque, je les initiai à lire et à
interpréter la partition de l’hymne du couvent, saisissant doucement les doigts
de Buyantu pour les guider sur tel endroit de la peau de Biliktu et poussant
délicatement la tête de cette dernière jusqu’à presser la peau de sa sœur à tel
autre... Tant et si bien qu’elles finirent par s’émouvoir mutuellement. Et
après avoir joué un moment sous mon égide, elles furent bientôt en mesure de
m’oublier. Dès que leurs petites étoiles furent érigées, elles n’eurent plus
besoin de mes conseils pour sentir comment tirer de ces généreuses
excroissances un intense plaisir réciproque. Lorsque, le premier, le lotus de
Biliktu ouvrit ses pétales pour éclore délicatement, Buyantu n’eut besoin de
personne pour lui indiquer comment en récolter la rosée. Et dès que leurs deux
papillons, pleinement éveillés, s’ébattirent librement, les filles jouirent
l’une de l’autre aussi naturellement et passionnément que si, plutôt que d’être
nées sœurs, elles avaient toujours été amantes.
Je dois aussi confesser que, lorsque cette symbiose
eut lieu, j’en oubliai si rapidement ma lassitude passagère que je me
débarrassai prestement de mes vêtements pour m’immiscer dans leurs étreintes.
Dès lors, cela se produisait parfois. Il arrivait que
je rentre fatigué d’une journée de travail et que je les retrouve brûlantes
d’un désir de xing-yu. Je les laissais s’adonner à leurs échanges, ce
qu’elles faisaient avec passion. Je me rendais dans le réduit de Narine et
m’asseyais avec lui le temps qu’il fallait pour qu’il me relate ses trouvailles
du jour, ce qu’il avait pu glaner des cancans du quartier des domestiques. Puis
je revenais dans ma chambre et, si l’envie m’en prenait, me remplissais un
gobelet d’arkhi avant de m’asseoir et de prendre mes aises, jouissant du
spectacle des ébats auxquels s’abandonnaient les jeunes filles. Au bout d’un
moment, ma fatigue s’évanouissait, ma vigueur reprenait forme, et je demandais
aux filles la permission de les rejoindre. Parfois, espiègles, elles me
faisaient attendre, tenant d’abord à épuiser totalement les ardeurs de l’autre.
Alors seulement, elles me laissaient me coucher avec elles, s’amusant à
l’occasion à me déclarer inutile, malvenu même, un intrus... Elles poussaient
même la malice jusqu’à dérober leurs parties roses à mon envahissant désir
d’intrusion.
Il finit par arriver que je les trouve à mon retour
déjà activement occupées, se prodiguant un vigoureux jiao-gou à leur
façon. Elles appelaient cet accouplement (en riant) le chuai-sho-ur, que
l’on pourrait traduire du han par : « enfiler ses mains dans la
manche opposée ». Nous autres, en Occident, parlerions plutôt de
« croiser les bras », mais en Orient, on fait ce geste en plongeant
véritablement les mains dans les amples manches. Je trouvai ce terme
particulièrement approprié pour décrire la façon dont deux femmes se font
l’amour.
Lorsque je les rejoignais, il arrivait fréquemment que
Biliktu se proclamât d’elle-même épuisée de ses désirs et de ses sucs (elle se
prétendait moins robuste que sa sœur, du fait peut-être des quelques minutes
qui faisaient d’elle sa cadette), et elle me demandait l’autorisation de
s’asseoir pour nous admirer batifoler, Buyantu et moi. Cette dernière en
profitait parfois pour plaisanter à propos de mes attributs et de mes
performances, les minimisant en comparaison de ce qu’elle venait de vivre
l’instant d’avant et me qualifiant en riant de gan-ga, terme qui
signifie plus ou moins « mal fichu ». Mais je prenais plaisir à
rebondir sur sa plaisanterie, prenant la mouche et feignant à mon tour de me
sentir insulté par son dédain, ce qui la faisait rire encore plus fort :
elle s’abandonnait alors avec passion, pour me prouver qu’elle avait juste
voulu se divertir. Et si je demandais à Biliktu, restée un moment à l’écart, de
nous rejoindre, elle soupirait, mais ne manquait jamais d’accéder à mon désir,
se donnant à son tour du plus profond d’elle-même.
Nous constituâmes donc, durant longtemps, un bien
convivial et confortable petit ménage à trois*. Qu’elles puissent être
des espionnes à la solde du khakhan et lui rapporter fidèlement jusqu’à nos
bons moments au lit ne me
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