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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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dérangeait pas le moins du monde, car je n’avais rien
à lui cacher. J’avais toujours été loyal envers Kubilaï et fidèle à son égard,
sans jamais agir à rebours de ses intérêts. Ma petite initiative personnelle
d’espionnage – le flair de Narine mis à contribution parmi les serviteurs du
palais – avait été décidée dans le but de rendre service au khakhan, aussi ne
songeais-je même pas à la dissimuler aux filles.
    Une seule chose continuait à me turlupiner à leur
sujet. Même lorsque nous étions tous trois absorbés dans la frénésie du jiao-gou, je ne parvenais pas à oublier que ces jeunes femmes, dans l’échelle de
notation en vigueur, n’avaient été créditées que de vingt-deux carats.
Un conventicule d’épouses déjà âgées, de concubines expérimentées et de
servantes blanchies sous le harnais avaient décelé chez elles un défaut
rédhibitoire. Cependant, ces jumelles m’apparaissaient comme d’exquis spécimens
de la féminité et, en tant que servantes, elles étaient uniques, au lit ou
ailleurs. Elles ne ronflaient pas et n’avaient pas mauvaise haleine. Qu’est-ce
qui, dans ce cas, avait bien pu leur manquer pour atteindre le niveau de la
perfection, celui des vingt-quatre carats ? Et pourquoi ce défaut ne
ressortait-il pas ? Tout homme, à ma place, se serait réjoui de se trouver
dans ma situation et aurait balayé d’un revers de manche cette question. Mais
là encore, comme toujours, ma curiosité n’aurait de cesse d’être satisfaite.

 
8
    Après ma pénible entrevue avec le ministre des Races
minoritaires qui s’était montré si embarrassé, je rencontrai le ministre de la
Guerre, qui me parut aussi ouvert et candide que possible. Alors que je
m’attendais au contraire de la part du porteur d’un titre aussi imposant, je
fis la connaissance d’un personnage qui cadrait bien peu avec la solennité de
sa fonction. Comme je l’ai dit, inexplicablement, le ministre de la Guerre
était un Han et non un Mongol. Il me sembla également très jeune pour occuper
un tel poste.
    — C’est parce que les Mongols n’ont en fait pas
besoin d’un ministre de la Guerre, reconnut-il avec bonne humeur, roulant
une bille d’ivoire dans la main. Ils font la guerre aussi naturellement que
vous et moi ferions le jiao-gou avec une femme et sont probablement plus
brillants à la guerre qu’au jiao-gou   !
    — Sans doute, approuvai-je. Monsieur le ministre
Chao, je vous serais reconnaissant de me dire...
    — Je vous en prie, grand frère, me coupa-t-il en
levant la main dans laquelle il tenait la bille d’ivoire. Ne me demandez rien
sur la guerre. Je ne puis absolument rien vous en apprendre. Si, en revanche,
vous avez besoin d’un avis sur la façon de pratiquer le jiao-gou...
    Je regardai fixement l’individu. C’était la troisième
fois qu’il employait ce terme quelque peu déplacé. Tout en continuant de faire
tourner la bille d’ivoire sculptée dans sa main droite, il me rendit
placidement mon regard. Je repris :
    — Pardonnez mon insistance, monsieur le ministre
Chao, mais le khakhan m’a demandé d’enquêter sur tous les...
    — Oh, ce n’est pas que je veuille vous
cacher quoi que ce soit ! Vous devez me croire, je ne connais rien à la
guerre. Je suis assurément plus savant en jiao-gou.
    Cela faisait quatre fois, maintenant.
    — Me serais-je trompé ? demandai-je,
incrédule. Vous n’êtes pas ministre de la Guerre ?
    Toujours aussi réjoui, il m’expliqua :
    — C’est exactement ce que nous autres Han
appelons « faire passer un œil de poisson pour une perle ». Le titre
que je porte est une coquille vide. Une distinction honorifique, conférée en
guise de reconnaissance pour d’autres fonctions que j’occupe. Je vous l’ai dit,
les Mongols n’ont pas besoin d’un ministre de la Guerre. Avez-vous déjà demandé
à voir l’Armurier de la Garde du palais ?
    — Non.
    — Faites-le. Vous apprécierez cette rencontre,
j’en suis sûr. L’Armurier est une femme, et tout à fait charmante. En réalité,
c’est mon épouse, Dame Chao Ku-an. Les Mongols n’ont pas plus besoin de
conseils sur l’armement que sur la façon de mener une guerre.
    — Ministre Chao, vous m’avez, je l’avoue, plongé
dans la confusion. Lorsque je suis entré, vous traciez un dessin sur un rouleau
de soie, j’ai pensé qu’il s’agissait d’un plan de bataille ou...
    — ... quelque chose d’approchant, oui, c’est

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