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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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cela aurait pu avoir. Dans le cas présent, les
éventuelles conséquences à craindre seraient précisément liées au fait que
j’avais refusé de la faire jouir. Mon attitude n’était due à aucune de
ces raisons, ni même à la répugnance qu’elle m’avait inspirée. Pour être
honnête, j’avais surtout été écœuré par ses pieds. Je vous dois une explication
à ce sujet, car beaucoup d’autres femmes han possèdent les mêmes.
    On les appelle « pointes de lotus », et les
minuscules chaussures qui les enveloppent sont les « corolles de
lotus ». Je n’appris que plus tard que Dame Chao avait été d’une lascivité
plus extrême encore que les plus délurées des courtisanes en me laissant voir
son pied nu, sorti de sa corolle de lotus. Les Han considèrent en effet ces
extrémités comme la partie la plus intime de l’individu, et l’on est par
conséquent censé les tenir cachées, plus encore que les « parties
roses » situées entre les jambes.
    On raconte que, dans un lointain passé, vivait à la
cour une danseuse capable de danser sur ses orteils et que cette posture – elle
paraissait se balancer sur ses pointes – excitait prodigieusement les hommes.
Les autres femmes, envieuses, n’avaient donc eu de cesse, depuis, que de
chercher à imiter la légendaire séductrice. Lorsque j’arrivai à Khanbalik,
nombre de femmes avaient eu les pieds compressés par leur mère dès la plus
tendre enfance et avaient grandi ainsi, estropiées ; elles n’en conservaient
pas moins la tradition en bandant elles-mêmes les pieds de leurs filles.
    Les mères leur pliaient les pieds de façon à maintenir
les orteils le plus près possible du talon et les bandaient dans cette
position. Lorsque le pied avait pris la forme, on tentait de le replier encore
plus, puis on bandait de nouveau. Lorsqu’elle atteignait l’âge adulte, la jeune
femme pouvait porter des corolles de lotus guère plus larges qu’une tasse à
thé. Une fois dénudés, ses pieds ressemblaient aux serres d’un petit oiseau
fraîchement arraché à la brindille sur laquelle il se tenait agrippé. Une femme
aux pointes de lotus devait marcher à petits pas et ne le faisait d’ailleurs
que très peu, parce que cette seule démarche était considérée par les Han comme
un geste de provocation. Le simple fait de prononcer certains vocables
(« pied », « orteil », « pointes de lotus » ou
même « marche ») en faisant référence à une femme ou en présence
d’une dame de haute naissance aurait provoqué autant d’étouffements indignés
que le fait de hurler « chatte ! » dans un salon de Venise.
    Je vous l’accorde, ce que l’on faisait subir aux pieds
d’une femme han était à tout prendre moins cruel que la mutilation, chez les
femmes de certains peuples, du papillon niché entre les pétales de leur autre
lotus. Cependant, je grimaçais de dégoût à la seule vue d’un de ces pieds, même
discrètement chaussé, car il me rappelait irrésistiblement la poche de cuir au
fond de laquelle certains mendiants dissimulaient les moignons de leurs membres
estropiés. Mon aversion pour les pointes de lotus intrigua les Han. Tous les
hommes de ce peuple avec lesquels je fis connaissance me trouvèrent au mieux
étrange, au pire impuissant ou dépravé lorsque je détournais les yeux de ces
pieds. Ils confessaient tous sans honte être puissamment excités par la vision,
même fugitive, des extrémités inférieures d’une femme, comme j’aurais pu l’être
à la vue de leurs seins. Ils avouèrent avec fierté que leur petit organe viril s’érigeait
aussitôt qu’ils entendaient mentionner à voix haute un de ces mots tabous,
« pied », par exemple, ou dès qu’ils se laissaient aller à imaginer
cette partie cachée de l’anatomie féminine.
    Toujours est-il que Dame Chao avait, cet
après-midi-là, tellement refroidi mes ardeurs naturelles que lorsque Buyantu me
déshabilla à l’heure du coucher et fit mine, en me caressant de façon
suggestive, de m’entraîner dans un câlin, je lui demandai qu’elle veuille bien
m’excuser. Aussi finit-elle par s’allonger sur mon lit en compagnie de sa sœur,
tandis que je restais assis en sirotant de l’arkhi, à regarder les
filles s’amuser à l’aide d’un su yang. C’était une sorte de champignon
typique de Kithai, qui affectait la forme exacte de l’organe viril masculin
jusqu’au réseau de veines qui le constellaient mais

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