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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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larmes qui baignaient ses yeux.
    Je convoquai Biliktu et Buyantu, et les priai de
raccompagner la visiteuse jusqu’à la porte. Elles le firent de mauvaise grâce,
les sourcils froncés et un rictus désapprobateur au coin des lèvres. Aussi, dès
qu’elles revinrent, leur assénai-je d’un ton sévère :
    — Vos grands airs ne sont pas acceptables et ne
plaident pas en votre faveur, mesdemoiselles. Il paraît que vous valez
vingt-deux carats. Eh bien, sachez que la dame que vous avez raccompagnée à
contrecœur mérite, à mon sens, la perfection des vingt-quatre carats ! À
présent, Buyantu, tu vas t’empresser d’aller présenter mes hommages à Dame Chao
Ku-an. Tu lui annonceras que Marco Polo requiert de sa bienveillance une
audience dès que possible.
    Dès qu’elle fut partie et que Biliktu eut quitté la
pièce dans un mouvement d’humeur, j’allai jeter un nouveau regard désappointé
dans ma jarre emplie de huo-yao bourbeux. Il était clair que ces
cinquante liang de poudre inflammable étaient à présent irrémédiablement
fichus. Aussi laissai-je de côté ce récipient et m’emparai-je du second panier
pour en contempler le contenu. Au bout d’un moment, avec d’infinies
précautions, je prélevai quelques grains blanchâtres de salpêtre et, lorsque
j’en eus mis de côté une douzaine, j’humidifiai légèrement l’extrémité du
manche d’un éventail en ivoire. L’ayant trempée dans la substance, je l’élevai
négligemment jusqu’à la flamme d’une bougie proche. Les grains se vitrifièrent
instantanément en un vernis fondu sur l’ivoire. Je songeai un instant à cela.
Le Maître Artificier avait eu raison au sujet de l’humidification de la poudre
et m’avait mis en garde contre l’idée de la cuire. Mais, à supposer qu’on mette
un récipient de huo-yao à mijoter à feu très doux et que le salpêtre
fondît comme il venait de le faire, en emprisonnant l’ensemble de la substance
d’une gangue protectrice ? Mes méditations furent interrompues par le
retour de Buyantu qui m’annonça que Dame Chao était prête à me recevoir sans
délai.
    Je me rendis donc dans ses appartements, me
présentai : « Marco Polo, ma dame » et l’honorai d’un
respectueux ko-tou.
    — Mon seigneur de mari m’a parlé de vous,
fit-elle, me relevant d’une légère chiquenaude de son pied nu.
    Ses mains étaient occupées à jouer avec une boule en
ivoire, comme son mari, pour s’assouplir les doigts. Tandis que je me
redressais, elle enchaîna :
    — Je me demandais quand vous condescendriez enfin
à accorder une visite à l’insignifiante courtisane que je suis...
    Sa voix avait la musicalité métallique des carillons
éoliens, mais il semblait qu’aucune intervention humaine ne l’actionnait.
    — Voulez-vous que nous parlions de mes fonctions
officielles, de mon travail effectif, ou que nous évoquions les passe-temps
auxquels je m’adonne entre deux ?
    Elle avait appuyé ses dernières paroles d’un regard lourd
de concupiscence. Dame Chao semblait déjà admettre comme une évidence que,
comme tout le monde, j’avais été informé de son appétit pour les hommes. Je
confesserai volontiers que je ressentis la fugitive tentation de me laisser
épingler à son tableau de chasse. Elle était à peu près de mon âge et aurait
été ravissante si elle n’avait eu les sourcils entièrement épilés et si ses
traits délicats n’avaient été ensevelis sous une épaisse couche de poudre
blanche. J’étais comme toujours intéressé à découvrir ce qui se cachait sous
ces riches robes de soie, particulièrement dans le cas présent, n’ayant jamais
couché avec une femme de la race han. Mais je rengainai ma curiosité et
répondis :
    — Rien de cela pour l’instant, avec votre
permission, Dame Chao. Ce qui m’amène est d’un tout autre...
    — Oh, regardez-moi ce grand timide !
gazouilla-t-elle, abandonnant son air lascif pour minauder. Commençons donc,
dans ce cas, par évoquer vos passe-temps favoris...
    — Une prochaine fois, peut-être. Dame Chao, c’est
de votre esclave Mar-Janah que j’aimerais aujourd’hui vous entretenir.
    — Aiya ! s’exclama-t-elle,
un peu comme un Mongol aurait crié : Vakh !
    S’étant brusquement relevée sur sa couche, elle fronça
les sourcils (ce qui, compte tenu du fait qu’elle n’en avait point, était
plutôt disgracieux) et me cracha, mordante :
    — Vous trouvez peut-être cette petite

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