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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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catin
turque plus attrayante que moi ?
    — Certes non, ma dame, mentis-je. Étant né dans
ma lointaine contrée de famille noble, je ne saurais déchoir – pas plus là-bas
qu’ici – à baisser les yeux sur une femme qui n’ait pas au moins votre haute
ascendance...
    J’eus le tact de ne pas ajouter qu’elle n’était que
noble, tandis que Mar-Janah était de famille royale. Mais cette saillie
semblait l’avoir adoucie.
    — Voilà qui est dignement parlé.
    Dans un long étirement voluptueux, elle s’alanguit de
nouveau vers l’arrière.
    — D’un autre côté, j’ai déjà pu constater qu’un
soldat crasseux et suant peut aussi avoir son charme...
    Elle laissa sa phrase en suspens, comme pour susciter
de ma part un commentaire, mais je ne tenais guère à me laisser entraîner dans
une sulfureuse comparaison de nos perversités respectives. Aussi tentai-je de
poursuivre :
    — Concernant cette esclave, donc...
    — Cette esclave, encore cette esclave... (Elle
soupira, fît une légère moue avant de lancer avec pétulance sa bille d’ivoire
d’une main dans l’autre.) L’espace d’un instant, vous avez bien parlé, comme un
galant homme est censé le faire à une femme. Et voilà qu’à présent vous
recommencez avec vos esclaves !
    Je me souvins alors que toute démarche, avec un Han,
se devait d’emprunter des chemins détournés et qu’on ne pouvait aborder le cœur
du sujet qu’au terme de longs palabres. Aussi déclarai-je hardiment :
    — Je préférerais assurément vous parler de Dame
Chao et de son insurpassable beauté.
    — C’est beaucoup mieux.
    — Je suis surpris qu’ayant à ses côtés un modèle
aussi parfait, maître Chao n’en ait pas déjà tiré un grand nombre de
tableaux...
    — Oh, mais soyez tranquille, il l’a fait,
affirma-t-elle avec un sourire suffisant.
    — Je regrette qu’il ne m’en ait montré aucun,
dans ce cas.
    — Même s’il le pouvait, il ne le ferait pas, car
il ne le peut pas. Les tableaux sont en possession des seigneurs qui les ont
commandés. D’ailleurs, ils ne vous les montreraient sans doute pas, eux non
plus.
    Je n’eus pas à m’interroger longtemps sur le sens de
ces paroles. J’avais jusque-là évité de porter tout jugement sur maître Chao.
Il m’inspirait une certaine sympathie à cause de sa situation délicate, mais
aussi du dégoût pour sa complaisance à s’y soumettre. J’étais certain désormais
de ne guère apprécier sa jeune femme et ne songeais plus qu’à m’en débarrasser
rapidement. Aussi revins-je rapidement sur la raison de ma venue.
    — Je vous implore, ma dame, de pardonner mon
insistance au sujet de cette esclave, mais je cherche à mettre un terme à une
injustice qui n’a que trop duré. Je suis venu solliciter de Dame Chao
l’autorisation de laisser son esclave Mar-Janah se marier.
    — Aiya ! s’exclama-t-elle
derechef, cette fois à voix stridente. Cette putain sur le retour est donc
enceinte !
    — Non, non, pas du tout.
    Sans m’écouter, elle continua, tandis que ses sourcils
inexistants frémissaient de furieuses contractions :
    — Enfin, cette situation ne vous engage
aucunement ! Nul homme n’est obligé d’épouser une esclave sous prétexte
qu’il l’aurait mise enceinte.
    — Il ne s’agit pas de cela !
    — Pas besoin d’en faire une montagne : on
peut facilement régler le problème. Je vais l’appeler et lui donner un bon coup
dans le ventre. Oubliez l’incident.
    — Je n’ai aucune intention de...
    — Mais dites donc, je n’en reviens pas. (Elle
passa une petite langue rouge sur ses lèvres fines.) Les médecins avaient tous
déclaré que cette femme était stérile. Vous devez être d’une puissance
exceptionnelle...
    — Dame Chao, cette femme n’est pas enceinte,
et je ne suis pas celui qui doit l’épouser !
    — Quoi ?
    Pour la première fois, son visage s’était vidé de
toute expression.
    — Il s’agit d’un de mes esclaves, qui est tombé
amoureux il y a fort longtemps de votre Mar-Janah. Je sollicite votre
permission de les laisser se marier et vivre ensemble.
    Elle me regardait bouche bée. Depuis que j’étais
entré, la jeune dame avait arboré une mimique tour à tour coquine,
sainte-nitouche, puis désinvolte, mais je comprenais à présent pourquoi elle
avait ainsi tenu son visage en perpétuel mouvement. Cette face blafarde,
lorsqu’elle ne se trouvait animée d’aucune expression, semblait aussi

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