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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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vide
qu’une feuille de papier vierge. Je me demandai en un éclair : le reste de
son corps est-il aussi peu excitant ? Les autres femmes han
dissimulaient-elles toutes la même inexpressivité sous des apparences
humaines ? Je fus presque soulagé de voir son visage se teinter de
contrariété lorsqu’elle déclara :
    — Cette femme turque est à la fois mon habilleuse
et ma maquilleuse. Même mon mari se garde d’interférer, lorsqu’elle s’occupe de
moi. Je ne vois pas au nom de quoi je me mettrais à la partager avec son
mari !
    — Peut-être, dans ce cas, seriez-vous disposée à
la vendre ? Le prix que je vous en offrirais vous permettrait de la
remplacer avantageusement.
    — Essayez-vous de m’insulter ?
Insinueriez-vous que je ne pourrais me permettre d’affranchir une esclave, s’il
m’en prenait l’envie ?
    Elle bondit de sa couche et, dans le scintillement de
ses petits pieds nus, tandis que ses robes, ses rubans, ses pompons et sa
poudre parfumée tourbillonnaient dans son sillage, elle quitta la pièce. Je restai
debout sur place, me demandant si je venais d’être congédié ou si elle était
allée chercher un garde pour s’occuper de moi. Cette jeune femme changeait
apparemment d’humeur aussi aisément que d’attitude, et c’était exaspérant.
Durant notre conversation, elle s’était arrangée pour m’accuser successivement
d’avoir été d’abord timoré, puis présomptueux, salace, avant d’être indiscret,
crédule et finalement offensant. Pas étonnant, pensais-je, qu’elle eût besoin
d’une provision inépuisable d’amants ; elle devait les oublier à la
seconde même où ils sortaient de son lit.
    Elle revint cependant de son pas sautillant, seule, et
jeta vers moi une feuille de papier. D’un geste vif, je réussis à m’en saisir
avant qu’elle ne glisse au sol. Je fus incapable de déchiffrer l’écriture
mongole qui la couvrait, mais Dame Chao m’expliqua avec morgue sa
signification.
    — C’est le titre de propriété de l’esclave
Mar-Janah. Je vous la cède. Vous pourrez en disposer à votre guise.
    Avec son inconstance habituelle, elle passa d’un air
méprisant à un sourire séducteur et ajouta :
    — Tout comme de moi, du reste. Faites ce que bon
vous semblera pour me prouver votre reconnaissance...
    Si elle m’y avait invité un instant plus tôt,
contraint, je m’y serais astreint. Seulement voilà : elle m’avait
imprudemment délivré le papier que j’attendais, et sans rien exiger en
échange ! Je le fourrai sans attendre dans ma bourse et m’inclinai,
minaudant de la manière la plus fleurie :
    — L’humble suppliant que je suis remercie avec
ferveur la très gracieuse Dame Chao de ses bontés. Je suis persuadé que les
misérables esclaves en feront autant dès que je les informerai de votre
générosité, ce que je vais faire à l’instant. À vous revoir, donc, noble
dame...
    — Comment ? hurla-t-elle d’une voix stridente,
son carillon éolien soudain foudroyé. Ne me dites pas que vous avez l’intention
de prendre congé de moi de cette façon ?
    J’eus envie de lui répondre que j’aurais pris congé en
courant si cela n’avait manqué de dignité. Cependant, lui ayant expliqué que j’étais
de haute naissance, je ne dérogeai pas à la courtoisie et, tout en m’inclinant
de façon répétée, je reculai vers la porte en murmurant des termes de
politesse : « très reconnaissant », « gratitude
éternelle ».
    Son visage de papier s’était soudain mué en un
palimpseste sur lequel était gravé en grosses lettres un mélange patent
d’incrédulité, de surprise choquée et d’indignation outragée. Elle sembla sur
le point de me lancer sa bille d’ivoire à la face.
    — Beaucoup d’hommes ont eu à regretter d’avoir
été congédiés par mes soins..., prévint-elle d’une voix menaçante, les dents
serrées. Vous serez le premier à vous repentir d’être parti sans avoir été
congédié !
    J’avais déjà, à ce moment, atteint le couloir à force
de courbettes, mais je pus encore l’entendre fulminer comme je me retournais
pour fuir vers mes quartiers :
    — Ça, je vous le promets ! Vous allez le
regretter !
    Ce n’était pas, je dois le confesser, dans un soudain
accès de droiture morale que j’avais refusé l’étreinte que m’offrait Dame Chao,
ni par souci de froisser la sensibilité de son époux : je me moquais bien,
en vérité, des conséquences que

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