Marcof-le-malouin
dis-tu ?
– Regarde !
– Non ! non ! répondit Keinec qui crut que son compagnon était devenu fou.
– Mais regarde donc, te dis-je !
Et Marcof, arrachant le linceul, découvrit, au lieu d’un cadavre, un rouleau de feuilles de cuivre.
– Miracle ! s’écria Keinec.
– Non ! pas de miracle ! répondit Marcof. Le marquis a voulu faire croire à sa mort.
– Dans quel but ?
– Le sais-je ?… Mais, viens ! j’étouffe de joie. Le vieux Jocelyn nous dira tout !
Et, se précipitant hors du caveau sépulcral, Marcof entraîna Keinec avec lui. Dès qu’ils furent remontés, et après avoir refermé l’entrée secrète du souterrain, ils se dirigèrent vers une autre porte, dissimulée dans la muraille. Mais au moment de frapper à cette porte ou de faire jouer un ressort, Marcof s’arrêta.
– Nous ne devons pas entrer par ici, dit-il ; faisons le tour et allons sonner à la grille. Mais, écoute, Keinec, avant de sortir d’ici, il faut que tu me fasses un serment, un serment solennel ! Jure-moi, sur ce qu’il y a de plus saint et de plus sacré au monde, de ne jamais révéler à personne ce dont nous venons d’être témoins !
– Je te le jure, Marcof ! répondit Keinec. Pour moi, comme pour tous, M. le marquis de Loc-Ronan est mort, et bien mort !…
– Partons, maintenant.
– Tu oublies quelque chose.
– Quoi donc ?
– Nous n’avons pas remis ce cercueil à sa place, et nous avons laissé la tombe ouverte.
– Qu’importe ! Jocelyn et moi avons seuls les clés du caveau, et je vais parler à Jocelyn…
Keinec se tut. Les deux amis firent rapidement le tour du mur extérieur, et allèrent sonner à la grille d’honneur. On fut longtemps sans leur répondre. Enfin un domestique accourut.
– Que demandez-vous ? fit-il.
– Nous demandons à entrer au château.
– Pourquoi faire ? M. le marquis est mort et les scellés sont posés partout.
– Faites-nous parler à Jocelyn.
– À Jocelyn ? répéta le domestique.
– Oui, sans doute ! répondit Marcof avec impatience.
– Impossible.
– Pourquoi ?
– Parce que cela ne se peut pas, vous dis-je…
– Mais, tonnerre ! t’expliqueras-tu ? s’écria le marin. Parle vite, ou sinon je t’envoie à travers les barreaux de la grille une balle pour te délier la langue.
– Ah ! mon Dieu ! fit le domestique avec effroi, je crois que c’est le capitaine Marcof !
– Eh oui ! c’est moi-même ; et, puisque tu m’as reconnu, ouvre-moi vite ou fais venir Jocelyn.
– Mais, encore une fois, cela ne se peut pas.
– Est-ce que Jocelyn est malade ?
– Non.
– Eh bien ?…
– Mais il est parti.
– Parti ! Jocelyn a quitté le château ?
– Oui, monsieur !
– Quand cela ?
– Aujourd’hui même, pendant que la justice posait les scellés, et tout de suite après que l’on eut descendu dans les caveaux le corps de notre pauvre maître.
– Où est-il allé ?
– On l’ignore ; on l’a cherché partout. Il y en a qui disent qu’il s’est tué de désespoir.
– Où peut-il être ? se demandait Marcof en se frappant le front.
– Vous voyez bien qu’il est inutile que vous entriez, dit le domestique.
Et, sans attendre la réponse, il se hâta de se retirer. Marcof et Keinec s’éloignèrent. Arrivés sur les falaises, Marcof s’arrêta, et, saisissant le bras du jeune homme :
– Keinec ! dit-il.
– Que veux-tu ?
– Je mets à la voile à la marée montante ; tu vas venir à bord.
– Je ne le puis pas, Marcof.
– Pourquoi ?
– Parce que c’est bientôt qu’Yvonne se marie…
– Eh bien ?
– Et tu sais bien qu’il faut que je tue Jahoua !…
– Encore cette pensée de meurtre ?
– Toujours !
Marcof demeura silencieux. Keinec semblait attendre.
– Qu’as-tu fait depuis mon départ ? demanda brusquement le marin.
– Rien !
– Ne mens pas !
– Je te dis la vérité.
– Tu as vu quelqu’un cependant ?
Keinec se tut.
– Réponds !
– J’ai juré de me taire.
– Je devine. Tu as consulté Carfor ?
– C’est possible.
– C’est lui qui te pousse au mal.
– Non ! ma résolution était prise.
– C’est lui qui te l’a inspirée jadis, je le sais.
Keinec fit un geste d’étonnement, mais il ne démentit pas l’assertion de Marcof.
– Sorcier de malheur ! reprit celui-ci avec violence, je t’attacherai un jour au bout d’une de mes
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