Marcof-le-malouin
vergues !
Keinec demeura impassible. Marcof frappait du pied avec colère.
– Encore une fois, viens à bord.
– Non !
– Tu refuses ?
– Oui.
– Tu viendras malgré toi ! s’écria le marin.
Et, se précipitant sur Keinec, il le terrassa avec une rapidité effrayante. Keinec ne put même pas se défendre. Il fut lié, garrotté et bâillonné en un clin d’œil. Cela fait, Marcof le prit dans ses bras et le transporta dans les genêts.
– Maintenant, se dit-il, les papiers de l’armoire de fer m’apprendront peut-être la vérité.
Abandonnant Keinec, qu’il devait reprendre à son retour, il se dirigea rapidement vers le château. À peine eut-il disparu, qu’un homme de haute taille, écartant les genêts, se glissa jusqu’à Keinec, tira un couteau de sa poche, trancha les liens et enleva le bâillon.
– Merci, Carfor ! fit Keinec en se remettant sur ses pieds.
– Viens vite ! répondit celui-ci.
Et tandis que Keinec, silencieux et pensif, suivait la falaise, Carfor murmurait à voix basse :
– Ah ! Marcof, pirate maudit, tu veux me pendre à l’une de tes vergues ! tu apprendras à connaître celui que tu menaces, je te le jure !
Puis, sans échanger une parole, les deux hommes se dirigèrent vers la grotte de Carfor.
Pendant ce temps, Marcof pénétrant de nouveau dans le parc, arrivait à la petite porte qu’il n’avait pas voulu ouvrir.
Il fit jouer un ressort. La porte s’écarta. Il entra. Sans allumer de torche cette fois, il gravit l’escalier qui se présentait à lui, il pénétra dans la chambre mortuaire, et il voulut ouvrir la porte donnant sur le corridor. Il sentit une légère résistance. Cette résistance provenait de la bande de parchemin des scellés apposés sur toutes les portes du château.
– Tonnerre !… murmura-t-il, la bibliothèque doit être fermée également.
Il réfléchit pendant quelques secondes. Puis il ouvrit la fenêtre, et montant sur l’appui, il se laissa glisser jusqu’à la corniche. Grâce à cette agilité, qui est l’apanage de l’homme de mer, il gagna extérieurement la petite croisée en ogive qui éclairait la pièce dans laquelle il voulait pénétrer.
Il brisa un carreau, il passa son bras dans l’intérieur, il tira les verrous, il poussa les battants de la fenêtre, et il pénétra dans la bibliothèque. Alors il alluma une bougie et se dirigea vers la partie de la pièce que lui avait désignée son frère. Il déplaça les volumes. Il reconnut le secret indiqué. L’armoire s’ouvrit sans résistance. Elle renfermait une liasse de papiers.
Marcof tira ces papiers à lui, s’assura que l’armoire ne renfermait pas autre chose, la referma et remit les in-folio en place dans leurs rayons. Puis, la curiosité le poussant, il entr’ouvrit les papiers et en parcourut quelques-uns. Tout à coup il s’arrêta.
– Ah ! pauvre Philippe ! murmura-t-il, je devine tout maintenant ! je devine !…
Ce disant, il mit les manuscrits sur sa poitrine, les assura avec l’aide de sa ceinture, et reprenant la route aérienne qu’il avait suivie, il regagna le petit escalier du parc. Quelques minutes après, il atteignait l’endroit où il avait laissé Keinec. La lune s’était levée et éclairait splendidement la campagne. Marcof reconnut la place ; il la vit foulée encore par le corps du jeune homme, mais elle était déserte.
– Carfor nous épiait !… dit-il au bout d’un instant. Keinec est libre. Ah ! malheur au pauvre Jahoua ! malheur à lui et à Yvonne ! Damné sorcier ! je fais serment que tout le sang qui sera versé par ta faute, tu me le payeras goutte pour goutte !
Puis, se remettant en marche, il aperçut bientôt les maisons de Penmarckh et la mâture élancée de son lougre qui se balançait sur la mer.
XIX – CARFOR ET RAPHAEL.
Dès que Carfor et Keinec furent arrivés à la baie des Trépassés, ils entrèrent dans la grotte. Keinec était toujours silencieux et sombre. Carfor souriait de ce mauvais sourire du démon triomphant.
– Mon gars, dit-il enfin, tu vois ce que Marcof a tenté contre toi ?
– Ne parlons plus de Marcof, répondit Keinec avec impatience ; Marcof est mon ami. Quoi que tu dises, Carfor, tu ne parviendras pas à me faire changer d’avis.
– Ainsi tu lui pardonnes de t’avoir violenté ?
– Oui.
– Tu l’en remercies même ?
– Sans doute, car je juge son intention.
– À merveille, mon gars ! N’en parlons
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