Marcof-le-malouin
seigneuriale, Marcof continua sa route, longea le mur du parc et s’engagea dans le sentier conduisant à la montagne. Tout à coup une forme humaine se dressa devant lui.
– C’est toi, Keinec ? demanda-t-il.
– Oui, répondit le jeune homme.
– Viens !
Après avoir franchi l’espace d’une centaine de pas, Marcof s’arrêta devant une porte étroite et basse, pratiquée dans la muraille. Il tira la petite clé de sa poche et il ouvrit cette porte.
– Suis-moi, dit-il à Keinec.
Tous deux entrèrent. Marcof, en homme qui connaît parfaitement les aîtres, guida son compagnon à travers le dédale des allées et des taillis. Bientôt ils arrivèrent devant le corps de bâtiment principal.
Marcof se dirigea vers l’angle du mur, il pressa un bouton de cuivre, il fit jouer un ressort, et une porte massive tourna lentement sur ses gonds. À peine cette porte fut-elle ouverte, qu’une bouffée de cet air frais et humide, atmosphère habituelle des souterrains, les frappa au visage.
Marcof tira un briquet de sa ceinture, fit du feu, alluma une torche et avança. Keinec le suivit silencieusement. Un escalier taillé dans le roc les conduisit en tournant sur lui-même dans un premier étage inférieur.
– Où sommes-nous donc, Marcof ? demanda Keinec à voix basse.
– Dans les caveaux du château de Loc-Ronan, répondit le marin.
Keinec se signa. Marcof avançait toujours. Après avoir traversé une longue galerie voûtée, il se trouva en face d’une porte en fer, percée d’ouvertures en forme d’arabesques, qui permettaient de distinguer à l’intérieur.
Grâce à la clarté projetée par la torche que tenait Marcof, on pouvait apercevoir une longue rangée de sépulcres. Le marin prit alors la plus grande des deux clés qu’il avait apportées et l’introduisit dans la serrure.
Le mouvement qu’il fit pour pousser la porte renversa la torche qui s’éteignit. Les deux hommes demeurèrent plongés dans une obscurité profonde. Tout autre à leur place eût sans doute été en proie à un mouvement de frayeur ; mais, soit bravoure, soit force de volonté, ils ne parurent ressentir aucune émotion.
– Ramasse la torche, dit Marcof d’une voix parfaitement calme, tandis qu’il battait le briquet.
– La voici, répondit Keinec.
La torche rallumée, ils entrèrent. Parmi tous ces sépulcres rangés symétriquement, la tête adossée à la muraille, on en distinguait un, le dernier, dont la teinte plus claire attestait une construction récente ; des fragments du plâtre encore frais qui avait servi à sceller la dalle étaient épars autour de ce tombeau. Marcof, avant de s’en approcher, se dirigea vers celui qui le précédait. C’était la tombe du père du marquis de Loc-Ronan. Il s’agenouilla et pria longuement. Keinec l’imita. Puis se relevant, il revint à la dernière tombe qui se trouvait naturellement placée la première en entrant dans le caveau.
– C’est là qu’il repose ! murmura-t-il.
Et, prenant une résolution :
– Keinec, dit-il, à l’œuvre, mon gars !…
– Que veux-tu donc faire, Marcof ?
– Enlever cette pierre, d’abord.
– Et ensuite ?
– Retirer le cercueil, l’ouvrir, embrasser une dernière fois le marquis, et le recoucher ensuite dans sa dernière demeure !…
– Une profanation, Marcof !…
– Non ! je te le jure ! J’ai le droit d’agir ainsi que je veux le faire !…
– Marcof !…
– Ne veux-tu pas me prêter ton aide ?
– Mais, songe donc…
– Pas de réflexion, Keinec, interrompit Marcof ; réponds oui ou non. Pars ou reste !
– Je suis venu avec toi, dit Keinec après un silence ; je t’ai promis de t’aider et je t’aiderai.
– Merci, mon gars. Et maintenant mettons-nous à l’œuvre sans plus tarder. Travaillons, Keinec ! et, je te le répète encore, que ta conscience soit en repos. J’ai le droit de faire ce que je fais.
– Je ne te comprends pas, Marcof ; mais, n’importe, dispose de moi !
XVIII – LE SÉPULCRE DU MARQUIS DE LOC-RONAN.
Marcof donna la pioche à Keinec et prit sa torche. Tous deux se mirent en devoir de desceller la large dalle. Le plâtre, qui n’avait pas eu le temps de durcir depuis les quelques heures qu’il avait été employé, céda facilement.
Introduisant le manche de la pioche entre la dalle et les bords de la tombe, Keinec s’en servit comme d’un levier. Marcof joignit ses efforts aux siens. Tous deux roidissant
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