Marcof-le-malouin
d’arrestation.
« 3° Que tout citoyen qui, au lieu de faire baptiser ses enfants par le prêtre constitutionnel, recourrait aux insoumis, sera déféré à l’accusateur public.
« Arrêté du département du Finistère, 30 juin 1791. »
– Or, continua le chevalier après avoir terminé sa lecture, il résulte des informations que j’ai prises, que le recteur de Fouesnan n’est nullement assermenté. Aujourd’hui même, messieurs les gendarmes se présenteront au presbytère et l’arrêteront. Les gars du village tiennent plus à leur curé qu’à la peau de leur crâne. Crois-tu qu’ils le laisseront emmener ?
– Non certes ! répondit Carfor.
– En poussant adroitement les masses, et c’est là ton affaire, on arrivera facilement à une petite rébellion. Or, une rébellion, maître Carfor, quelque minime qu’elle soit, ne s’accomplit pas sans beaucoup de tumulte, et, dans un tumulte politique, on garde peu les jeunes filles. Comprends-tu ?
– Parfaitement.
– Et tu agiras ?
– Vous pouvez vous en rapporter à moi. À quelle heure les gendarmes doivent-ils venir au presbytère de Fouesnan ?
– Vers la tombée de la nuit…
– Vous en êtes sûr ?
– J’en suis parfaitement certain.
– Alors trouvez-vous avec un bon cheval et un domestique dévoué à l’entrée du village du côté du chemin des Pierres-Noires.
– Bon ! à quelle heure ?
– À sept heures du soir.
– Tu m’amèneras Yvonne ?
– À mon tour je vous en réponds.
– Seras-tu obligé d’employer du monde ?
– Pourquoi cette question ?
– Parce qu’il me répugne de mettre beaucoup d’étrangers au courant de mes affaires.
– Tranquillisez-vous, j’agirai seul.
– Bravo ! maître Carfor. Tu es décidément un sorcier accompli.
– Voilà le jour qui se lève. Séparons-nous.
– À ce soir, à Fouesnan.
– À sept heures, mais à condition que les gendarmes agiront de leur côté.
– Cela va sans dire.
– Adieu, monsieur le chevalier.
– Adieu, mon gars.
Et le chevalier de Tessy, enchanté de la tournure que prenaient ses affaires, décrocha la bride de son cheval, se mit légèrement en selle et partit au galop. Carfor demeura seul à réfléchir.
– Oh ! les prêtres vont être poursuivis maintenant ! pensait-il, et un éclair joyeux se reflétait sur ses traits amaigris. On va donner la chasse aux recteurs ! Tant mieux ! Les paysans se révolteront, les coups de fusil retentiront. C’est la guerre dans le pays ! La guerre ! Oh ! il sera facile alors de frapper ses ennemis ! Quel malheur que ce marquis de Loc-Ronan soit mort si vite ! Dans quelques mois, j’aurais peut-être pu le tuer moi-même ! N’importe, les autres me restent et Jahoua sera le premier !
Et Carfor, poussant un éclat de rire sauvage, frappa ses mains l’une dans l’autre en murmurant d’une voix vibrante :
– Tous ! ils mourront tous ! et je serai riche et puissant !
XX – UN PRÊTRE ASSERMENTÉ.
En 1791, la Bretagne ne se soulevait pas encore ouvertement, mais de sourdes menées faisaient fermenter dans la tête des paysans de vagues idées de lutte contre le nouveau mode de gouvernement établi. Depuis la proclamation de la constitution, une scission s’était opérée dans le clergé, et cette scission menaçait de partager non-seulement les prêtres, mais encore les paroisses.
Au mois de juillet 1790, quelques jours avant la fête de la Fédération, Armand-Gaston Camus, prêtre janséniste, aidé par ses amis, avait provoqué la régularisation du temporel de l’Église. Le temporel est, on le sait, le revenu qu’un ecclésiastique tire de ses bénéfices. D’abord, la proposition fut mal accueillie par l’Assemblée ; Camus prétendait vouloir mettre le clergé en communion d’intérêt avec le peuple, mais le côté droit crut apercevoir dans cette motion un moyen employé pour servir la cause de Jansénius, et il la repoussa de toutes ses forces, n’épargnant pas à l’orateur le ridicule ni les injures.
Camus, néanmoins, ne se tint pas pour battu. Le 12 du même mois, il revint à la charge et développa ses idées. Il ne s’agissait de rien moins que d’une révolution dans l’établissement de la constitution existante du clergé. Camus assimilait la division ecclésiastique à la division civile, réduisait les cent trente-cinq évêques à quatre-vingt-trois, détruisait les chapitres, les abbayes, les
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