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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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moment, l’officier qui avait pris le commandement renouvelait l’ordre d’exécuter la loi. Les paysans, faisant bonne contenance, répondaient aux menaces par des huées.
    *
    * *
    Une demi-heure avant que les gendarmes ne pénétrassent dans le village de Fouesnan, Jahoua, le fiancé de la jolie Yvonne, suivait en trottant sur son bidet ce chemin des Pierres-Noires, dans lequel il avait couru jadis un si grand danger. L’amoureux fermier, tout entier aux rêves enchanteurs que faisait naître dans son esprit la pensée de son prochain mariage, chantonnait gaiement un noël, laissant marcher son cheval à sa fantaisie.
    Ce cheval était le même qui avait eu l’honneur de recevoir Yvonne sur sa croupe rebondie, lors du retour des promis de leur voyage à l’île de Groix. L’imagination emportée dans les suaves régions du bonheur, Jahoua se voyait, dans l’avenir, entouré d’une nombreuse progéniture, criant, pleurant et dansant dans la salle basse de la ferme. De temps en temps il portait la main à la poche de sa veste, en tirait un petit paquet sous forme de boîte, l’ouvrait et s’extasiait. Cette petite boîte renfermait une magnifique paire de boucles d’oreilles qu’un pêcheur, commissionné par le fermier à cet effet, avait rapportée ce jour même de Brest. Jahoua souriait en pensant à la joie qu’allait éprouver sa coquette fiancée. Alors il activait l’allure du bidet. Déjà l’extrémité du clocher de Fouesnan lui apparaissait au-dessus des bruyères. Encore une demi-heure de route et il serait arrivé. C’était précisément à ce moment que les gendarmes opéraient leur entrée dans le village.
    Et apercevant le clocher du village, Jahoua précipita l’allure de son cheval ; mais il n’avait pas fait cent pas en avant qu’un homme, écartant brusquement les ajoncs, se dressa devant lui, à un endroit où la route faisait coude.
    Cet homme, à la figure pâle, aux yeux égarés, était Keinec.
    Jahoua n’avait d’autre arme que son pen-bas Keinec tenait à la main sa carabine. Les deux hommes demeurèrent un moment immobiles, les regards fixés l’un sur l’autre.
    Jahoua était brave. En voyant son rival, il devina sur-le-champ qu’une scène tragique allait avoir lieu. Néanmoins son visage n’exprima pas la moindre crainte, et, lorsqu’il parla, sa voix était calme et sonore.
    – Que me veux-tu, Keinec ? demanda-t-il.
    – Tu le sais bien, Jahoua : ne t’es-tu pas demandé quelquefois si tu devais redouter ma vengeance ?
    – Pourquoi la redouterais-je ? Qu’as-tu à me reprocher pour me parler ainsi de vengeance ?
    – Tu oses le demander, Jahoua ! Faut-il donc te rappeler les serments d’Yvonne et sa trahison ?
    – Écoute, Keinec, répondit le fermier, moi aussi, depuis longtemps, je désirais trouver une occasion de te parler sans témoins.
    – Toi ? fit le marin avec étonnement.
    – Moi-même, car une explication est nécessaire entre nous, et le bonheur et la tranquillité d’Yvonne en dépendent. Keinec, tu me reproches de t’avoir enlevé l’amour de celle que tu aimes. Keinec, tu reproches à Yvonne d’avoir trahi ses serments. Tu nous menaces tous deux de ta vengeance, et si tu n’as pas fait jusqu’à présent un malheur, c’est que la volonté de Dieu s’y est opposée ! Est-ce vrai ?
    – Cela est vrai, répondit Keinec.
    – Réfléchis, mon gars, avant de songer à commettre un crime. Que t’ai-je fait, moi ? Je ne te connaissais pas. Tu passais pour mort dans le pays. Je vis Yvonne et je l’aimai. Est-ce que j’agissais contre toi, dont j’ignorais l’existence ? De son côté, Yvonne t’avait longtemps pleuré ! Yvonne te croyait à jamais perdu !… Voulais-tu que, jeune et jolie comme elle l’est, elle se condamnât à vivre dans une éternelle solitude ?…
    – Jahoua, interrompit Keinec avec violence, je ne suis pas venu pour écouter ici des explications quelles qu’elles soient !…
    – Pourquoi es-tu venu alors ?
    – Pour te tuer !
    – Je suis sans armes, Keinec ; veux-tu m’assassiner ?
    – N’as-tu pas assassiné mon bonheur ?
    – Tuer un homme qui ne peut se défendre, c’est l’acte d’un lâche !
    – Eh bien ! je serai lâche ! que m’importe.
    Et Keinec, saisissant sa carabine, l’arma rapidement. Jahoua pâlit, mais il ne bougea point.
    – Écoute, dit Keinec, dont le visage décomposé était plus livide et plus effrayant que celui du fermier ;

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