Marcof-le-malouin
pas déchus de leur sacerdoce, suivant qu’ils avaient prêté ou non un serment entre les mains de citoyens revêtus d’écharpes tricolores. Ils disaient qu’ils servaient Dieu d’abord et non la révolution ; ils demandaient simplement qu’on les laissât continuer en paix leur pieuse mission, et qu’on ne les chassât pas des cures qu’ils administraient depuis si longtemps. Mais l’Assemblée législative voyait en eux des agents provocateurs, et, les poursuivant sans relâche, augmentait encore leur influence. Mis en révolte ouverte contre la loi, ils agirent contre elle, et se firent un honneur et un devoir de ne pas céder. Non contents de blâmer ce qu’ils nommaient l’apostasie des prêtres assermentés, ils excitaient les fidèles à chasser ces derniers de leur paroisse, et à les traiter comme des profanateurs et des impies.
Presque toutes les communes avaient repoussé par la force les curés que l’on voulait leur imposer. Dans celles où on les souffrait, l’église était déserte. Les enfants mêmes se sauvaient en désignant le nouveau prêtre sous le nom de « jureur. »
Quant aux curés réfractaires, la persécution leur avait donné une sainteté véritable. Chaque paroisse cachait au moins un de ces proscrits. La nuit on leur conduisait, de plusieurs lieues, les enfants nouveau-nés et les malades, pour baptiser les uns et bénir les autres. Tout mariage qui n’eût pas été consacré par eux eût été réputé impur et presque nul. Ne pouvant pas officier de jour dans les églises qui leur étaient fermées, ils improvisaient des autels dans les bruyères, sur quelque pierre druidique, au fond des bois, sur des souches amoncelées, au bord des grèves, sur des rochers laissés à sec par la marée basse. Des enfants de chœur, allant de ferme en ferme, frappaient au petit volet extérieur, et disaient à voix basse :
– Tel jour, telle heure, dans telle bruyère, sur tel autel.
Et le lendemain la population se trouvait au lieu et au moment indiqués pour assistera la célébration de l’office divin. Ces offices avaient toujours lieu la nuit. Souvent les sermons succédant à la messe faisaient germer dans les esprits de sourdes colères, et préparaient peu à peu à la guerre qui devait bientôt éclater.
Les ministres de la paix prêchaient la bataille, et ils étaient prêts à bénir les armes de l’insurrection. Des proclamations étaient presque toujours distribuées à la fin de chaque sermon, proclamations écrites dans un style politico-religieux, et propre à frapper l’imagination de ceux qui les lisaient.
De même que plus tard les Espagnols devaient apprendre de la bouche de leurs moines un catéchisme composé contre les Français, de même les paysans bretons et vendéens recevaient des mains de leurs recteurs des actes religieux dans le genre de ceux-ci.
ACTE DE FOI.
Je crois fermement que l’Église,
Quoi que la nation en dise,
Du Saint-Père relèvera
Tant que le monde durera ;
Que les évêques qu’elle nomme,
N’étant point reconnus de Rome,
Sont des intrus, des apostats,
Et les curés des scélérats,
Qui devraient craindre davantage
Un Dieu que leur serment outrage.
ACTE D’ESPÉRANCE.
J’espère, avant que ce soit peu,
Les apostats verront beau jeu,
Que nous reverrons dans nos chaires
Nos vrais pasteurs, nos vrais vicaires ;
Que les intrus disparaîtront ;
Que la divine Providence,
Qui veille toujours sur la France,
En dépit de la nation,
Nous rendra la religion.
ACTE DE CHARITÉ.
J’aime, avec un amour de frère,
Les rois d’Espagne et d’Angleterre,
Et les émigrés réunis,
Qui rendront la paix au pays ;
J’aime les juges qui sans fautes
Condamneront les patriotes,
Le fer chaud qui les marquera,
Et le bourreau qui les pendra.
Lassés par ces résistances, la plus grande partie des administrateurs essayèrent d’user de rigueur et de réprimer par la force. D’autres fermèrent bénévolement les yeux. Indulgence et sévérité demeurèrent impuissantes.
Jusqu’alors le département du Finistère, et surtout les côtes méridionales, avaient été à l’abri de ces calamités. Les recteurs réfractaires ou constitutionnels vivaient en paix dans leurs paroisses. Malheureusement cette tranquillité ne pouvait être de longue durée. Ainsi que le chevalier de Tessy l’avait dit à Carfor, l’administration du département, agissant d’après des ordres supérieurs, avait rendu un
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