Marie Leszczynska
l’entresol, on lui installe un nouvel oratoire, plus spacieux et décoré de tableaux de piété, dont une Nativité, une petite série évoquant l’histoire de la Bible, des représentations de la Vierge et de saint Jean dans le désert. Ces toiles ne sont pas des oeuvres d’artistes célèbres, comme les peintures qui ornent son grand appartement. Il ne faut pas chercher un manque de goût de sa part puisqu’elle n’hésite pas à passer des commandes à Boucher, Nattier ou Van Loo, mais plutôt une preuve de modestie, voire de piété, lorsqu’il s’agit de son univers intime.
Au milieu d’une impressionnante collection de reliquaires, de statuettes et de souvenirs disparates, un petit secrétaire renferme des tirelires et des rouleaux de monnaie destinés à ses oeuvres de charité. C’est dans ce décor que devait se trouver sa « belle mignonne », bien qu’elle n’apparaisse pas dans l’inventaire d’après décès. Cet objet de dévotion date probablement de 1751 : en cette année de jubilé s’est répandue la vogue des têtes de mort enrubannées, destinées à rappeler aux mortels la vanité des choses humaines. Et Marie se serait plu à imaginer que c’était celle de Ninon de Lenclos…
Lectrice enthousiaste et avisée
Depuis que Catherine Opalinska a initié ses filles aux travaux d’aiguille, Marie Leszczyńska n’a jamais cessé de broder pour les églises. La tapisserie ne présente pas davantage de secrets pour la reine qui possède plusieurs métiers, grands et petits. En marge de ces passe-temps féminins, elle partage les mêmes goûts que son père. Comme lui, elle lit beaucoup et sa bibliothèque n’est jamais assez grande pour abriter tous ses ouvrages. Cultivée, la reine parle et lit six langues, dont le latin. L’histoire, la religion et la poésie sont ses domaines de prédilection.
Stanislas, auteur prolifique, lui adresse systématiquement tous ses ouvrages dès leur parution, guettant son appréciation avec impatience. Elle ne s’interdit jamais d’émettre des critiques, parfois sévères, notamment à la lecture de l’édition française de La Voix libre du citoyen [3] . Dans cette analyse des institutions de la république nobiliaire et de la société polonaise, son père énonce des préceptes politiques destinés aux États républicains. Marie, comme son époux, n’apprécie guère cet ouvrage ; tous deux déplorent que Stanislas, de son refuge lorrain, fasse l’apologie de la république en « citoyen de la démocratique Pologne ».
La reine prend beaucoup de plaisir à parler littérature avec les deux académiciens qu’elle côtoie quotidiennement : le poète Paradis de Moncrif, son « lecteur » depuis 1744, et son grand ami, le président Hénault,
qui deviendra surintendant de sa Maison à partir de 1754. Le premier sait guider ses choix et les commenter. De son côté, Hénault
, toujours informé des dernières parutions, lui prête des ouvrages qu’ils analysent tous deux à travers une correspondance quasi quotidienne. L’enthousiasme y est omniprésent : « Je suis très contente des Lettres de Madame de Maintenon que vous m’avez envoyées ; la solidité n’y est pas sèche. Je ne suis encore qu’à la moitié du premier tome. Ce qui me plaît beaucoup, je ne puis le lire vite... Je ne suis pas surprise que vous lisiez les Lettres de Madame de Maintenon : tout s’y trouve, morale et amusements. » Les thèmes historiques ou religieux ne sont pas exclus : « J’ai lu le sermon dont vous me parlez, il est très beau. Hélas, nous n’avons plus de Prédicateur pour mieux dire, nous n’avons plus rien en aucun genre. Je viens de lire la vie de Turenne, quel homme. Nous aurions beau en chercher de pareil [4] [...] »
La reine reçoit aussi des livres de son autre confident, le comte d’Argenson. Bibliophile discret, le ministre utilise des « rabatteurs » érudits qui parcourent l’Europe à la recherche d’ouvrages rares. C’est le cas d’une histoire du cardinal Granvelle, signée Courchetet d’Esnans, conseiller au Parlement de Besançon, dont Marie aura la primeur.
Mi-admiratif, mi-dubitatif, le duc de Luynes note que « la reine devrait savoir beaucoup, car elle a beaucoup lu, et même des livres difficiles à entendre. [...] Elle les lit avec plaisir ; cependant quelques gens croient qu’elle peut bien ne pas les entendre ». Et il précise qu’elle adore se livrer au jeu de la discussion :
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