Marie Leszczynska
« La reine permet, aime que l’on ose disputer contre elle [...] et dans la dispute, elle veut des raisons. » Ce témoignage contredit le point de vue du marquis d’Argenson qui reproche à Marie son absence d’idées personnelles.
Peintre médiocre mais passionnée
La reine avoue aussi une grande passion pour les arts. Issue d’une famille de mécènes, elle a été bien guidée par son père. Malgré ses difficultés financières, Stanislas a toujours su agrémenter ses résidences de décors baroques teintés d’exotisme, où la nature servait de toile de fond. Le château de Tschifflik , à Deux-Ponts, restera à jamais gravé dans la mémoire de Marie. C’est dans ce domaine enchanté que la jeune princesse a aimé les herbes folles et les fleurs printanières dont elle habille aujourd’hui les tentures et les boiseries de ses appartements. C’était le site idéal pour apprendre à les reproduire, à l’ombre du chevalet de Stanislas.
À Versailles, la peinture est pour la reine un moyen d’expression à l’abri des chausse-trappes de la cour. Elle ne se considérera jamais comme une artiste, mais se veut une élève appliquée du professeur qu’elle s’est choisi : Jean-Baptiste Oudry. Dix-huit mois après son mariage, la reine avait admiré ses toiles exposées à Versailles. Le roi ayant partagé son enthousiasme, l’artiste reçut une commande de cinq tableaux pour le cabinet de la reine. Ensuite, il immortalisa les chiens de Louis XV et Marie Leszczyńska le prit pour mentor. Désormais, il la conseille, la guide et retouche au besoin ses exercices. Elle apprécie son érudition, sa distinction et ses manières affables ; de plus, ils partagent la même philosophie religieuse.
Lorsque l’artiste s’inspire des Fables de La Fontaine pour décorer les dessus-de-porte de l’appartement du dauphin, le prince lui commande une scène champêtre pour son cabinet. Oudry en compose aussitôt l’esquisse sous ses yeux. Ce sera La Ferme , véritable scène de la vie quotidienne à la campagne. Peut-être parce que l’idée vient du dauphin, Marie décide de copier la toile afin de l’offrir au roi. La réplique achevée prend place dans un cadre original, fabriqué par le président Hénault
lui-même et surchargé de sculptures, feuillages, oiseaux et serpents. La toile est signée : Marie reine de France fecit 1753 [5] . Ce n’est pas la première fois qu’elle prend Oudry pour modèle : elle a déjà reproduit l’une de ses oeuvres pour le dessus de la porte d’entrée de son grand cabinet. Elle peint aussi des sujets pieux qu’elle destine à ses amis et à son père.
Oudry n’est pas son unique maître. Chaque matin, dans son « laboratoire », elle travaille aussi en compagnie d’un peintre qu’elle a surnommé son « teinturier » en référence à Stanislas [6] . Il lui prépare sa palette, garnit son pinceau et surveille ses gestes sur la toile. Auparavant, il a tracé les personnages au crayon, parfois même peint les visages. Quand le tableau prend forme, Marie se réjouit. À propos de son portrait du cardinal de Luynes [7] , elle avoue au président Hénault
: « Je ne suis pas trop mécontente de son visage. » Une autre fois, elle lui annonce avec humour : « Geneviève est vernie aujourd’hui et part demain pour aller vous trouver. Ayez attention de lire ce qui est écrit sur l’arbre. Je suis bien aise de vous dire que mon teinturier n’y a que très peu de part et que tout est presque de sa main, la figure surtout, ciel, lointain et l’ovale. » Toujours prête à l’autodérision, Marie ne se fait aucune illusion quant à son talent. Elle est la première à railler ses maladresses et s’offusque rarement ; même quand la cour se moque, à la manière du persifleur impénitent qu’est le marquis d’Argenson : « La reine peint de mauvais tableaux [...] ; toute la cour peint ou enlumine : voilà l’occupation la plus à la mode aujourd’hui. »
La reine ose même s’initier à la décoration en peignant les boiseries de son cabinet des Chinois, où trônent des collections de porcelaines de Chine et du Japon sur de magnifiques meubles en laque. Guidée par les artistes, elle peint des Chinois, ainsi que les Jésuites héros de l’évangélisation de l’Empire céleste, à la manière de Pillement et de Huet [8] . Elle peint aussi des estampes pour décorer les murs blancs de sa garde-robe.
La reine soutient les artistes
Si la
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