Marie Leszczynska
mets raffinés préparés par Moutier, le cuisinier du duc de Nevers. Les convives mettent souvent la main à la pâte : Mademoiselle de Charolais accommode des salades et le roi s’amuse parfois à battre une omelette. Le duc de Luynes remarque aussi que le roi boit beaucoup lorsque Madame de Mailly est présente. Il se couche vers six heures du matin après avoir entendu la messe et dort jusqu’à quatre heures de l’après-midi.
Madame de Mailly constate bien vite qu’il n’est pas aisé d’être à la fois maîtresse du roi et dame du palais. Selon les proches de la reine, quand la comtesse est « de semaine », l’atmosphère est électrique. Elle doit la servir à table en espérant que le repas ne s’éternisera pas. Marie s’en amuse, feignant d’ignorer son impatience pour l’exaspérer un peu plus. La sollicitude de la reine tourne parfois à l’affront quand elle lui suggère, par exemple, de ne pas se fatiguer à rester aussi longtemps debout auprès d’elle, alors que d’autres activités l’attendent ! L’assistance s’amuse beaucoup de ce duel feutré.
Avant le séjour estival à Compiègne, le roi souhaitant la présence de Madame de Mailly, la comtesse avait sollicité la permission de la reine. Sa réponse à double sens avait déclenché l’hilarité des courtisans : « Faites, Madame, vous êtes la maîtresse ! »
À ce petit jeu qui use ses nerfs, Madame de Mailly
perd patience, d’autant que l’hostilité ne vient pas seulement de la reine. Le duc de Bourbon se régale aussi : il n’a pas oublié les affronts subis par la marquise de Prie et prend sa revanche en rayant, à l’occasion, le nom de la comtesse d’une liste d’invités à Chantilly. Pourquoi recevrait-il une dame du palais non « titrée » qu’il « connaît à peine » puisque la reine n’y sera pas [1] ?
Furieuse de subir tant d’humiliations, Madame de Mailly
laisse percevoir des mouvements d’humeur envers le roi qui choquent les courtisans. Quand elle perd au jeu – presque toujours –, elle devient agressive ; pour peu que le roi lui marque une certaine compassion, elle lui assène : « Ce n’est pas étonnant, vous êtes là ! » Elle traite aussi de haut la petite Polonaise devenue reine de France. Son irrespect mériterait sanction mais, pour l’heure, il influence plutôt le comportement de Louis XV. « On a remarqué, explique Luynes, lorsque le roi arrive dans le salon, que non seulement il ne s’approche point de la table de cavagnole où la reine joue, mais même il y a quelques jours la reine se tint debout assez longtemps, sans que le roi lui dît de s’asseoir ; et pendant ce temps, il parlait à Madame de Mailly ! »
Elle veut un statut de maîtresse officielle
De toute évidence, la comtesse sans le sou a pris une place importante dans la vie de Louis XV. Avec une certaine malice, le duc de Luynes relate l’ascension de la maîtresse du roi, les voyages, les soupers et les chasses auxquels elle participe, soulignant chaque fois sa familiarité et son attitude hautaine envers les autres dames de la reine. Peu importe que son père soit ruiné, qu’elle porte des chemises élimées et que sa femme de chambre soit mal habillée ; ce qu’elle veut, c’est un statut de maîtresse déclarée du roi !
En septembre 1738, le cardinal se brouille à nouveau avec son élève. Peut-être a-t-il eu vent des manigances de Mademoiselle de Charolais qui tente de gouverner le roi à travers Madame de Mailly
, afin d’obtenir la succession de Fleury pour son amant du moment, Guérapin de Vauréal, évêque de Rennes. Ou bien a-t-il appris que Madame de Mailly réclame son départ en s’exclamant : « Quand vous déferez-vous de votre vieux précepteur ? »
Après avoir donné congé à toute sa maison, Fleury se retire à Issy. « On croyait d’abord que c’était pour sa santé, mais le vrai était quelque petit mécontentement », avoue Barbier. La reine décide de lui rendre visite, « chose fort extraordinaire, selon l’avocat parisien, parce que la reine ne fait point de visites et que, d’ailleurs, elle n’a jamais été contente de lui ». Marie pense que Fleury a le pouvoir de raisonner Louis XV et qu’il prêtera une oreille complaisante à ses malheurs. Pauvre reine qui s’indigne, pleure et supplie le vieux cardinal ! Bien qu’aussi désarmé qu’elle, Fleury n’est pas mécontent de la voir à ses pieds et
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