Marie Leszczynska
l’endort de bonnes paroles.
La reine se rebiffe
Marie comprend un peu tard que sa démarche est malvenue et que Fleury ne lui sera d’aucune aide. Elle ravale donc ses larmes et décide de s’imposer elle-même, en exigeant de suivre son époux dans tous ses déplacements. Impossible de formuler un refus à la reine. Fleury doit accepter, ce qui contrarie beaucoup le roi. Quant à Madame de Mailly, elle sera encore plus assidue auprès de lui puisqu’elle doit accompagner la reine. Mais les deux amants vivront en permanence sous le regard vigilant de Marie : partout, même dans les bois, car la reine a décidé de chasser en amazone, au grand dam de la comtesse !
Cette fois, la guerre est déclarée entre les deux époux. Louis XV ne s’adresse plus à la reine dont tous les gestes sont raillés ou critiqués. Le marquis d’Argenson en profite pour distiller son venin contre elle : « Il faut savoir que la reine a peur des esprits. Pour la rassurer, il lui faut toujours une de ses femmes à sa portée pendant la nuit, et il faut que cette femme lui fasse des contes pour l’endormir. À peine s’éloignait-elle quand le roi arrivait. La reine ne dort presque pas. Elle se lève cent fois dans une nuit pour chercher sa chienne. Enfin, elle met positivement un matelas sur elle, tant elle est frileuse, de sorte que le roi étouffait, et se levait tout en sueur, n’y pouvant plus tenir. Il se retirait dans sa chambre et dans son lit, pour y dormir à son aise. »
À propos de ses relations avec la maîtresse du roi, il ajoute : « La reine croit, et cela paraît certain, que Madame de Mailly l’examine sans cesse pour lui trouver de nouveaux ridicules, et égayer le roi à ses dépens dès qu’elle l’a quittée. »
Le scandale des écrouelles
En janvier 1739, l’adultère du roi devient public. Tout le monde en parle, à la cour comme à Paris. Le roi se rend à l’Opéra et fréquente les bals, le plus souvent déguisé en chauve-souris à la tête de sa bande de bergers et bergères. Barbier, toujours très prudent, s’en réjouit : « Le roi commence à prendre goût aux plaisirs ordinaires. Il n’y a pas grand mal qu’il se défasse peu à peu de la fureur qu’il avait pour la chasse qui, répétée tous les jours, en tout temps et en toute saison, ne pouvait qu’altérer son tempérament et lui rendre l’esprit sombre et sauvage. Le commerce des femmes et des plaisirs lui prendra moins de temps, et lui formera mieux le génie et les sentiments. »
Le scandale éclate à Pâques, lorsque le grand prévôt s’enquiert des souhaits du roi pour la rituelle cérémonie des écrouelles du Samedi saint. Louis XV refuse sèchement. Malgré l’insistance du cardinal de Fleury et du père de Linières
, il ne se confesse pas et refuse de faire ses pâques. Barbier en parle avec bon sens : « Cela a causé un grand scandale à Versailles et fait beaucoup de bruit à Paris. […] Il est dangereux, pour un roi, de donner un pareil exemple à son peuple, et nous sommes assez bien avec le Pape pour que le fils aîné de l’Église eût une dispense pour faire ses pâques, en quelque état qu’il fût, sans sacrilège et en sûreté de conscience. » Opinion proche de celle du marquis d’Argenson qui prend la défense du roi : « On pourrait sauver les apparences par une basse messe que dirait le cardinal de Rohan dans le cabinet du roi […] et on tairait mystérieusement que le roi ne s’est présenté ni à la pénitence, ni à l’eucharistie ; mais le roi dédaigne cette ridicule comédie. […] Sa Majesté a de la religion et Elle est hautement honnête homme, ne voulant point approcher indignement du sacrement, ni jouer une comédie plus indigne de son rang qu’il n’y est scandaleux de ne pas remplir le devoir. » Propos résumés quelques années plus tard par celui qui deviendra le cardinal de Bernis : « Il a mieux aimé s’abstenir des sacrements que de les profaner. »
À l’inverse de son ancêtre Louis XIV, Louis XV est un inquiet, à la conscience déchirée : coupable devant Dieu, il s’estime indigne de recevoir les sacrements de l’Église. Après cet incident, Louis XV ne touchera plus les écrouelles. Mais, en abandonnant son pouvoir miraculeux, il transforme son inconduite personnelle en affaire d’État, affectant ainsi la sacralité de la fonction monarchique. Sous un autre angle, c’est aussi le constat de l’échec de l’éducation
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