Marie Leszczynska
quand il voit un joli visage, il n’a plus de repos… »
Marie, elle, ne se laisse pas prendre au jeu du petit séducteur. En lui transmettant la foi chrétienne et en veillant à son éducation morale, elle espère préparer un « prince selon le coeur de Dieu ». Il lui arrive d’employer la manière forte pour réprimer ses colères et d’en aviser le cardinal : « J’ai pris la liberté de fouetter Monsieur le dauphin qui crie à tout propos sans savoir pourquoi, et tout le monde m’en a su très mauvais gré. » Une autre fois, la reine, à demi chagrinée, s’écrie : « Méchant enfant, vous me donnerez bien de la peine ! » Et le petit dauphin réplique aussitôt : « Maman, vous seriez bien fâchée de ne me pas avoir. »
L’heure de rejoindre les hommes
Jusqu’à l’âge de six ans, le dauphin vit entouré de ses soeurs qu’il mène en chef de bande despote. Ces petites filles sages et douces lui vouent une admiration qui confine à la vénération. Voyant son fils en bonne santé et l’esprit fort éveillé pour son âge, Louis XV décide de ne pas attendre son septième anniversaire pour le confier « aux hommes ». Le 14 janvier 1736, alors qu’il n’a que six ans et quatre mois, médecins et chirurgiens l’auscultent, le pèsent et le toisent pour rédiger un procès-verbal de son intégrité physique ; le lendemain, la duchesse de Ventadour le conduit dans le cabinet du roi, où son père le confie à son gouverneur, le comte de Châtillon [1] , et à son précepteur, Monseigneur Boyer [2] , évêque de Mirepoix. Cette cérémonie rituelle arrache des larmes à l’enfant et à la vieille gouvernante, tout comme elle avait provoqué les pleurs du roi et l’émotion de la même Maman Ventadour, vingt et un ans plus tôt.
En « passant aux hommes », le dauphin change de décor et suit ses maîtres au rez-de-chaussée du château, dans l’ancien appartement du Régent, dont les vingt-six croisées donnent sur le parterre d’Eau et le parterre du Midi. C’est dans le cabinet du duc d’Orléans que l’enfant poursuit son éducation. D’abord difficile et récalcitrant, l’élève devient plus attentif et se plonge dans une foule de matières dont l’histoire, la géographie, l’astronomie, la philosophie, les langues vivantes, le latin et le grec ancien ; sans oublier le dessin et la musique. Comme sa mère qui s’adonne à la peinture, le dauphin passe des heures à dessiner ou à copier fidèlement une estampe, en appliquant les recettes de Madame Silvestre qui lui enseigne le dessin et l’aquarelle.
À l’âge de huit ans, il compose une allégorie de dauphins et de fleurs de lis qui fait l’admiration de l’ambassadeur d’Espagne, le marquis de La Mina
. Le diplomate s’empresse d’expédier ce chef-d’oeuvre au roi d’Espagne Philippe V et à son épouse Élisabeth
Farnèse qui s’extasient sur l’habileté du dauphin. Ils l’offrent aussitôt à l’infante Marie-Thérèse
, en cadeau préliminaire destiné à faciliter les négociations des futures fiançailles de l’infante et de Louis de France. Pour le jour de la Saint-Nicolas, le roi Stanislas reçoit à Lunéville un dessin à la plume de son petit-fils ainsi légendé : « Fait par Monsieur le Dauphin pour le Roy de Pologne, 1737. » Connaissant la passion de son grand-père pour la chasse, le petit prince a représenté la poursuite du cerf dans les bois. Plus qu’un témoignage de l’affection du petit-fils pour son « Papinio », ce dessin révèle des dons précoces. Peintre et pastelliste à ses heures, Stanislas sait apprécier l’oeuvre qu’il conservera dans sa chambre jusqu’à sa mort.
Petits plaisirs d’enfants
Les dimanches et jours de fêtes, le dauphin retrouve ses soeurs pour quelques heures de loisirs. C’est l’occasion de faire une promenade en gondole, d’aller voir les vaches et les boeufs de la ménagerie, ou de se rendre au « bosquet du Dauphin » non loin des bains d’Apollon. Là, le fils de Louis XV fait les honneurs de son domaine, conviant sa petite cour d’intimes à prendre une tasse de chocolat dans le délicat pavillon octogonal érigé par Gabriel. L’hôte et ses invités jouent aux grandes personnes en arpentant le potager où il est permis de s’improviser jardinier. Et ils participent à des représentations théâtrales avant d’applaudir le feu d’artifice, point d’orgue à ces amusantes réceptions. Puis vient
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