Marie Leszczynska
imaginent : tous les jours, au retour de la messe, les jumelles vont multiplier les témoignages de tendresse à leur père. Puis, un autre jour, c’est Adélaïde
qui se présentera pour lui baiser la main avant de se jeter à ses pieds en sanglotant. Le scénario se déroule comme prévu : troublé, Louis XV se met à larmoyer, de même que la famille royale et les courtisans présents. Et le roi met un terme au concert de pleurs en accordant à sa fille le droit de rester à Versailles. Adélaïde
a gagné !
Craignant d’autres scènes d’attendrissement, Fleury ordonne sans plus tarder le départ des quatre petites exilées. Toujours bien informé, le duc de Luynes précise : « Elles auront chacune une première femme de chambre et trois autres femmes. Les femmes qui ne vont point avec Mesdames retournent chez leurs parents, mais le roi leur conserve les mêmes appointements ; ainsi elles ne perdent que le logement ; et si la reine a d’autres enfants, on prendra dans le nombre de ces femmes celles dont on aura besoin. » À la lecture de ces arrangements, il n’est pas certain que le cardinal de Fleury ait fait une bonne opération financière…
Triste logis Bourbon
Le départ a lieu le lundi 16 juin 1738. Ce jour-là, Louis XV rentre de Rambouillet où il chassait depuis trois jours. Lorsqu’il arrive à Versailles, Fleury lui apporte une lettre de Madame de Tallard confirmant le départ des princesses. Elles sont montées toutes les quatre dans le même carrosse, attelé à huit chevaux. Derrière, suivaient sept voitures et deux chaises, sans oublier une vingtaine de fourgons de bagages. Le minimum nécessaire pour une suite de cent vingt personnes.
Au bout de treize jours de voyage, les quatre petites Mesdames atteignent Fontevrault. Elles logent dans une grande bâtisse au nom prédestiné, le logis Bourbon, un havre plus propice au recueillement et à l’ascétisme qu’à l’éducation des filles du Roi Très Chrétien. Malgré son nom qui fleure bon la gentilhommière, le logis Bourbon manque du confort élémentaire pour abriter des petites filles habituées au luxe et aux commodités de l’aile des Princes. C’est une vieille bâtisse froide, humide et pleine de courants d’air. Le cardinal a bien ordonné des travaux de remise en état… mais il a aussi interdit toute dépense superflue !
Informé des conditions précaires dans lesquelles vivent les princesses, le cardinal fait la sourde oreille, alors que l’hiver s’annonce rigoureux. Aux premiers froids, on s’aperçoit que les cheminées tirent mal. Madame Septième [6] tombe gravement malade. « On croyait à tout moment apprendre sa mort », écrit Luynes. Le 20 décembre 1738, on la baptise d’urgence en lui donnant les prénoms de ses parents : Louise Marie. Alors que son état s’améliore, c’est au tour de Madame Sixième
de s’aliter ; bientôt suivie par Madame Cinquième
. Les quatre fillettes sont atteintes de dysenterie. Miracle, elles se rétablissent toutes les quatre ! Même Louise Marie qui se trouvait pourtant dans un état très inquiétant. À partir de 1741, Mesdames disposeront chacune d’un appartement de trois pièces, dans un bâtiment neuf, érigé près du logis Bourbon. Mais Fleury a de nouveau imposé le strict minimum à Aubert, l’architecte des Bâtiments du roi.
La vie des petites filles est aussi monotone que sévère, organisée autour des leçons, des prières et de quelques loisirs. Quand elles se rebellent ou font des caprices, elles sont enfermées, seules, dans un caveau qui sert de sépulture. Ce châtiment terrifie les princesses. Pire, il provoquera chez Victoire
des terreurs paniques dont elle ne pourra jamais se débarrasser.
Mesdames ont pour maître de musique un « symphoniste » de la musique du roi, Monsieur de Caix, ainsi qu’un maître de danse. Bien plus tard, le roi leur offrira deux carrosses, deux attelages de chevaux, quelques chevaux de suite et plusieurs ânesses ; sans oublier le personnel, soit quatorze personnes, sous les ordres du chef d’écurie Aubin. Car, pour Louis XV, les enfants royaux doivent savoir monter à cheval et suivre une chasse !
Thérèse Félicité
au paradis
En septembre 1744, Madame Sixième
contracte le virus de la petite vérole qui va l’emporter en quelques jours. Baptisée en catastrophe le 27, Madame Thérèse Félicité
expire le lendemain matin. Elle venait d’avoir huit ans.
Marie
Weitere Kostenlose Bücher