Marie Leszczynska
n’apprendra la nouvelle que le 3 octobre, alors qu’elle séjourne au château de Lunéville auprès du roi Stanislas. Luynes révèle que la famille Leszczyński
ploie sous le coup de la triste nouvelle : « C’est celle que l’on disait ressembler au roi de Pologne. La reine, qui devait manger avec les dames, a mangé seule dans un cabinet de l’appartement du roi son père… » Certains mémorialistes ont reproché à la reine son attitude peu conforme avec celle d’une mère éplorée. C’est oublier que Marie est pudique. Elle ne s’abandonne jamais à des démonstrations publiques quand elle est accablée de peines et de tourments, mais se plonge dans la prière et le recueillement. Dans une phrase écrite au comte d’Argenson, elle exprime une piété poussée à l’extrême qui correspond aux sentiments religieux de l’époque : « Ma pauvre enfant est bien heureuse ; je l’envie. Il faut que je souffre encore dans cette vie. » Sa fille vient de gagner le paradis, alors qu’elle doit poursuivre son chemin de croix. Comme le roi Stanislas, elle voit dans toutes les épreuves l’intervention de Dieu.
Trois ans plus tard, en septembre 1747, dans une lettre qu’il adresse à l’abbesse de Fontevrault, Louis XV annonce l’arrivée du peintre Jean-Marc Nattier : « J’ai voulu avoir le portrait de tous mes enfants. » Après avoir peint Henriette
et Adélaïde
, Nattier a reçu mission de portraiturer les trois princesses de Fontevrault que le roi veut offrir à son épouse. Marie ne les a pas revues depuis neuf ans ! Elle découvre avec ravissement deux belles adolescentes et une délicieuse petite fille de dix ans. En robe à grand panier rose, Louise sourit à la vie parmi les fleurs : « Les deux aînées sont belles réellement, confie-t-elle à la duchesse de Luynes ; mais je n’ai jamais rien vu de si agréable que la petite. Elle a la physionomie attendrissante et très éloignée de la tristesse ; je n’en ai pas vu une si singulière : elle est touchante, douce et spirituelle. »
Une curieuse chauve-souris
Retour à Versailles huit ans plus tôt, en janvier 1739. Pour l’inauguration du salon d’Hercule dont Lemoine vient d’achever le plafond, Louis XV donne un grand bal rangé. La mise en scène est digne des splendeurs de la cour du Roi-Soleil : autour de la pièce, des gradins grimpent à l’assaut des fenêtres pour délimiter le carré des bals de la cour. Le roi et la reine occupent l’un des côtés ; face à eux, les musiciens jouent sur une estrade installée devant la cheminée. Dès quatre heures de l’après-midi, il y a foule dans le salon tandis que les dames du palais attendent aux portes en grand habit, sans pouvoir pénétrer. Visiblement débordé, le duc de La Trémoille, premier gentilhomme de la chambre, ne parvient pas à chasser les intrus et c’est le roi en personne qui s’acquitte avec brio du service d’ordre, permettant enfin à la reine de faire son entrée.
Marie Leszczyńska paraît en grand habit d’étoffe à fond blanc, brodé de colonnes torses de fil d’or et semé de fleurs nuées de soie. Des pierreries garnissent tout le corps de robe ; le Sancy rehausse un collier de gros diamants et le Régent orne sa coiffure. Louis XV, lui, arbore son habit de velours bleu ciselé, doublé de satin blanc et garni de boutons de diamants. Aussitôt Leurs Majestés assises, le bal commence, ouvert par le dauphin et Madame, sa soeur aînée. Vers onze heures du soir, place aux masques. Le bal « paré » [7] envahit le grand appartement. Alors que le dauphin et ses soeurs ont regagné leurs appartements, Marie est bien présente avec toute sa suite, mais il est impossible de la reconnaître parmi tous ces masques. Les soeurs de Nesle, Louise et Pauline, sont là aussi ; ce sont d’ailleurs les débuts officiels de Pauline à la cour. Vers deux heures du matin, Louis XV, masqué en chauve-souris, virevolte d’un groupe à l’autre en demandant où est le roi. Enfantillages. D’ailleurs, les courtisans avisés ne manquent pas de remarquer l’assiduité de cette chauve-souris auprès de Pauline. Au petit matin, quelques masques s’esquivent discrètement. La reine est partie se changer afin de se rendre à la chapelle pour entendre la messe.
Madame est promise, Marie est déçue
Cette fête a été donnée en l’honneur du mariage prochain de Madame avec son oncle, l’infant don Philippe, troisième fils de
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