Marie Leszczynska
l’heure pour Mesdames de regagner l’aile des Princes avant une nouvelle semaine studieuse. Frère et soeurs s’écrivent alors par le truchement de la gouvernante. Le 19 octobre 1737, par exemple, Madame Seconde écrit à son frère : « Je suis charmée qu’au milieu de vos amusements, vous pensiez à nous et nous regrettiez. Nous voyons le temps s’écouler avec grand plaisir, mais il paraît bien long lorsque nous comptons combien il en faut passer encore avant que de vous revoir. »
Le 27 avril 1737, jour de Quasimodo, les jumelles, le dauphin et Adélaïde
sont baptisés en grande solennité dans la chapelle du château. Cette cérémonie ne change rien pour le dauphin, mais elle bouleverse le statut des petites princesses qui ne sont plus des numéros. Ainsi, la première-née des jumelles devient Madame Louise Élisabeth
. Comme elle est l’aînée officielle des enfants, elle prend aussi le titre de Madame. Madame Seconde se prénomme désormais Anne Henriette [3] ; et Madame Troisième, Marie Adélaïde [4] . Les jumelles ont alors neuf ans et demi, leur petite soeur vient de fêter ses cinq ans.
Une abbaye pour les princesses
Une nouvelle vie attend Mesdames. Tout en poursuivant leur éducation calquée sur le programme du dauphin, elles apprennent également la couture et la broderie. Elles excellent en travaux manuels, adorant tourner le bois et l’ivoire, tout comme leur père. Comme lui, elles façonnent de petits objets qu’elles offrent à leurs proches.
Pour les enfants, le plus difficile est de se plier à l’étiquette. « Il y a toujours bal en deux fois par semaine, note le duc de Luynes, le jeudi chez Mesdames, et le dimanche chez Monsieur le dauphin. » Le roi et la reine sont évidemment présents. Marie observe sa progéniture danser, heureuse de leur grâce et de leur gentillesse. Mais ces divertissements d’enfants deviennent vite des corvées tant les règles sont strictes : seuls les courtisans admis à la table du roi et dans ses carrosses peuvent danser avec le dauphin ou avec Mesdames ; quant à l’assemblée, elle doit attendre l’autorisation de s’asseoir ou de se lever. Du haut de ses huit ans, le dauphin tient son rôle, mais il avoue préférer jouer au billard. Moins souples, Mesdames s’y prêtent à contrecoeur, laissant souvent paraître leur mauvaise humeur.
En 1738, la vie des petites princesses va connaître un changement radical, dicté par Fleury. Selon le cardinal, les sept filles de France « embarrassent le château de Versailles, et causent de la dépense ». Car les princesses coûtent cher : elles ont chacune dix femmes de chambre et une fille de garde-robe. Fleury obtient du roi de ne conserver que les jumelles à la cour et d’envoyer les cinq autres [5] à l’abbaye de Fontevrault.
Cette décision bouleverse Marie Leszczyńska. Non seulement le couple royal vit des heures douloureuses, en pleine désagrégation, mais on la prive d’une partie de ses enfants. La reine a le sentiment que rien ne lui sera épargné en ces temps difficiles, où elle devine une nouvelle brimade du cardinal à son encontre. Profondément meurtrie dans ses sentiments maternels, elle est aussi outrée de ne pas avoir été consultée par le roi qui ne semble pas avoir pris la défense de ses héritières. Elle a la conviction que Louis XV laisse agir Fleury à sa guise, oubliant un peu vite que, par tradition, les enfants royaux n’ont jamais été expédiés au couvent.
Et pourquoi choisir cette lointaine abbaye de Fontevrault, aux confins de l’Anjou et du Poitou, à quatre-vingts lieues de Versailles ? Fondée au xi e siècle, cette abbaye a pour originalité d’être un ordre mixte, gouverné par une femme ; ainsi, tous les couvents de moines et de moniales qui relèvent de son autorité ont pour supérieure unique l’abbesse de Fontevrault, placée directement sous l’autorité du pape.
Madame Adélaïde
s’insurge
Du haut de ses six ans, Madame Adélaïde
, charmante princesse au caractère bien trempé, n’a pas l’intention de se laisser enfermer à Fontevrault. La reine avoue un faible pour la fillette et voudrait plaider sa cause, mais elle craint de se heurter à un refus du cardinal et n’ose en parler au roi. Madame Troisième décide donc d’agir avec la complicité de sa gouvernante, Madame de Tallard, qu’elle déteste cordialement mais dont elle partage, cette fois, les mêmes intérêts. Voilà ce qu’elles
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