Marie Leszczynska
lorsqu’il lui annonce : « Je suis amoureux fou de Madame de La Tournelle ; je ne l’ai pas encore, mais je l’aurai. » Puis le couperet tombe : « Madame de Mailly
a été renvoyée un peu plus durement qu’une fille d’opéra », note le marquis d’Argenson. Le 4 novembre, Richelieu la conduit à l’hôtel des Noailles, à Paris, où la comtesse de Toulouse lui offre l’hospitalité. « Vous pouvez emporter vos meubles, madame », suggère le roi. Elle refuse, tournant définitivement le dos à Versailles, en dépit des nombreuses lettres pleines de repentirs que lui adressera son ancien amant.
Sa soeur aînée renvoyée, son appartement fermé, Madame de La Tournelle ne cède pas pour autant à Louis XV. Elle exige encore plus, écrit Barbier : « Elle serait maîtresse déclarée, elle aurait une maison, elle n’irait point aux petits soupers du roi ; elle aurait tous les soirs dix couverts chez elle et elle nommerait elle-même les personnes qui y souperaient ; elle aurait plus de cinquante mille écus de pension assurée pour sa vie. » On murmure aussi qu’elle réclame le titre de duchesse.
À peine Madame de Mailly
a-t-elle tourné les talons que Fleury se précipite chez le roi. Il veut le dissuader de poursuivre son aventure avec Madame de La Tournelle qui le déconsidère auprès de ses sujets et de l’Europe entière. Le vieux prélat reçoit l’appui du ministre Maurepas, jamais avare de bons mots ou d’impertinences. Il égratigne la nouvelle favorite, ironise sur les soupers de Versailles, à deux doigts de l’irrespect envers le roi. En vain. Louis XV reste sourd aux appels à la raison et renoue avec les voyages à Choisy. L’un d’eux fournit à Madame de La Tournelle l’occasion de dévoiler ostensiblement à son entourage une tabatière en agate arborisée… que le roi avait tirée, la veille, de sa poche ! Ce signe révélateur ne trompe ni les courtisans, ni Barbier, qui écrit le 15 décembre : « Le roi est d’une extrême gaieté, et c’est avec regret que Sa Majesté part aujourd’hui de Choisy. »
La quatrième soeur aussi…
Le 23 décembre, Madame de La Tournelle prend possession des appartements qu’elle occupe avec l’une de ses autres soeurs, Madame de Lauraguais, promue dame de compagnie. À peine arrivées, la cour leur a trouvé des surnoms : « la Princesse » pour la favorite et « la grosse réjouie » pour la plus adipeuse des demoiselles Nesle. Afin de les loger décemment dans l’attique nord, au-dessus du Grand Appartement, il a fallu expulser les Matignon, les Coligny et supprimer l’escalier d’Épernon, remplacé par un escalier privé afin de faciliter la communication avec les appartements privés du roi. La favorite pousse l’exigence jusqu’à réclamer une « chaise volante » [6] lui permettant de franchir trois étages pour accéder directement aux appartements du roi.
Au début, les deux soeurs vivent cloîtrées ; elles se contentent de dîner d’une soupe ou d’un repas livré par un traiteur. Bientôt, le bruit court que Madame de Lauraguais bénéficie d’une faveur semblable à celle de sa petite soeur. Rumeur confirmée par le marquis d’Argenson : « Sa Majesté s’est trouvé quelquefois assez d’appétit pour tâter de cette grosse vilaine de Lauraguais. »
Chansonniers, rimailleurs de tout poil font des gorges chaudes des amours du roi, tandis qu’à Paris circule une épigramme édifiante :
« La première en oubli, la seconde en poussière,
La troisième est en pied, la quatrième attend,
Et fera place à la dernière.
Choisir une famille entière
Est-ce être infidèle ou constant ? »
1 -
C’est l’une des dernières revanches publiques du duc de Bourbon. Il meurt le 27 janvier 1740, à l’âge de quarante-sept ans, des suites d’une violente dysenterie. Il laisse une veuve de vingt-cinq ans et un prince de trois ans et demi.
2 -
Les cinq soeurs de Mailly-Nesle : Pauline-Félicité de Nesle (1712-1741) est la soeur cadette de Louise de Mailly
(1710-1751) ; elle devient marquise de Vintimille par son mariage en 1739 avec le neveu de Monseigneur de Vintimille, archevêque de Paris. Viennent ensuite : Diane-Adélaïde de Nesle, duchesse de Lauraguais (1713-1760) ; Hortense-Félicité de Nesle, marquise de Flavacourt (1715-1791 ?) ; et Marie-Anne de Nesle, marquise de La Tournelle, puis duchesse de Châteauroux (1717-1744).
3 -
Le marquis du
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