Marie Leszczynska
future dauphine ! Elle ose même y promettre des places, en guise de récompense pour bons et loyaux services envers elle ou envers son ami le duc de Richelieu. Entre-temps, le duc a lui-même été récompensé par la place de premier gentilhomme de la Chambre.
La reine suit les manoeuvres de l’intrigante qui la traite avec hauteur. Elle connaît la désapprobation de l’opinion et se préoccupe des tourments qui vont, un jour ou l’autre, assaillir son époux. Mais elle se garde bien de s’opposer à cette situation, contrairement à son attitude passée face à Louise de Mailly. Désormais, elle a pris suffisamment de distance pour afficher un profond désintérêt, préférant assumer avec dignité sa tâche de reine de France.
L’exemple de Louis XIV
À Versailles, la cour s’interroge sur le départ ou non du roi à la guerre. Va-t-il s’inspirer des choix de Louis XIV qui était accompagné de la reine, de ses maîtresses [4] et d’une partie de la cour lors de la guerre de Dévolution, en 1667 ? En fait, Louis XV prépare son départ dans le plus grand secret, à tel point que le comte d’Argenson, ministre de la Guerre, se sent évincé par Noailles qui suggère au roi de partir seul, sans famille ni ministres. La reine aimerait pourtant obtenir le même traitement que l’épouse de Louis XIV, mais elle n’ose pas interroger le roi devant les courtisans. Comme elle en a pris l’habitude, elle lui écrit pour lui demander l’autorisation de l’accompagner. « Je n’ai point vu cette lettre, raconte Luynes, mais j’ai ouï dire qu’elle lui offrait de le suivre sur la frontière, de quelque manière il voudrait, et qu’elle ne lui demandait point de réponse. Vraisemblablement ce dernier article sera le seul qui lui sera accordé. » Comme elle s’en doutait, Marie essuie un refus : le déplacement d’une reine est trop onéreux en cette période difficile. En compensation, le roi lui suggère d’user de Trianon selon son désir durant son absence.
Madame de Châteauroux fait, elle aussi, le siège de son amant pour le persuader de l’emmener à la guerre. En vain. Elle reçoit l’ordre de rester à Paris. Le roi décide finalement de ne partir qu’avec deux ministres : Noailles et le comte d’Argenson.
Le samedi 2 mai 1744, Louis XV signe un document permettant la tenue des Conseils en son absence ; ils seront présidés par le chancelier d’Aguesseau. La reine est tenue à l’écart de ces décisions. En procédant ainsi, le roi tire un trait sur une coutume royale : auparavant, en l’absence du souverain, les ministres travaillaient chez la reine pour assurer la continuité symbolique des affaires. C’est l’aveu que la pauvre Marie ne compte vraiment pas…
Sachant le départ du roi imminent puisque le comte d’Argenson a déjà quitté Versailles, Marie marque sa tristesse en décommandant son concert. Louis XV soupe au grand couvert devant une assistance inhabituelle. Il garde le silence et se rend chez la reine pour un quart d’heure de conversation anodine. Puis il rentre chez lui, donne l’ordre pour son coucher à une heure et demie et réclame le dauphin. L’adolescent, qui avait été initié à l’art de la guerre dans un camp de fortune près de Compiègne, rêve de combattre l’ennemi sous les yeux de son père. Mais Louis XV refuse d’exposer inutilement l’unique ferment de sa dynastie, à moins de dix mois de son mariage.
Les opérations militaires se concentrent sur la frontière des Pays-Bas, ce qui n’exclut pas une menace sur le front de l’Est. À l’image de son bisaïeul, Louis XV prend la tête des troupes. Il conduit l’armée de Flandre, confiée à Noailles, qui remporte une série de victoires en s’emparant successivement de Menin, Ypres, Knocke et Furnes. Barbier donne le sentiment des Parisiens : « On ne parle ici que des actions du roi, qui est d’une gaieté extraordinaire, qui a visité les places voisines de Valenciennes, les magasins, les hôpitaux ; qui a goûté le bouillon des malades et le pain des soldats : cela contiendra les entrepreneurs. Il veut connaître tous les officiers et leur parle avec politesse. Il n’est point question de femmes. Madame la duchesse de Châteauroux ira passer l’été à Plaisance, belle maison près de Nogent, par-delà Vincennes, appartenant à Pâris-Duverney
, entrepreneur général des vivres de l’armée de Flandre. »
Entre colère et inquiétude
Dans les
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