Marie Leszczynska
sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire, c’est de l’épargner. »
Très fier de son père, le dauphin écrit à son tour à Marie : « Ma chère maman, Je ne puis vous exprimer ma joie de la victoire que le roi vient de remporter. Il s’y est montré véritablement roi dans tous les moments, mais surtout dans celui où la victoire ne paraissait pas devoir pencher de son côté, car alors, sans s’ébranler du trouble où il voyait tout le monde, il donnait lui-même les ordres que tout le monde n’a pu s’empêcher d’admirer et il s’y est fait connaître plus que partout ailleurs. »
Marie est heureuse. Le 16, elle écrit à d’Argenson : « Je suis plus flattée d’être la femme du roi et la mère de mon fils que d’être la reine. N’en dites jamais mot, mais j’aime le premier à la folie. »
À Versailles, la reine s’occupe beaucoup de la jeune dauphine qui peine à s’acclimater. Les jours d’angoisse qu’elles viennent de vivre dans l’attente de Fontenoy ont rendu Marie-Thérèse-Raphaëlle
plus loquace : elle craint le roi malgré les démonstrations paternelles qu’il lui prodigue et se méfie de ses dames, le dauphin l’ayant mise en garde contre toutes les personnes de sa « maison » qui ont été choisies par feu la précédente maîtresse du roi. Marie entoure la jeune femme, témoin cette lettre qu’elle adresse à son gendre, l’infant don Philippe, duc de Parme : « Il est juste que je vous instruise de mes sentiments pour elle, je l’aime de tout mon coeur, je désire qu’elle soit heureuse, je tâcherai d’y contribuer toute ma vie. Il faut vous parler aussi du principal personnage sur ce qui la regarde qui est mon fils, cela me paraît tenir plus de l’amour que de l’amitié, et je suis enchantée. Dieu veuille que cela dure toujours. De même je le désire et je l’espère [1] . »
Depuis le retour de Fontenoy, Marie-Thérèse-Raphaëlle
et son époux vivent en parfaite harmonie. Les soucis des premiers jours sont oubliés. La dauphine partage toute la vie et les sentiments de son époux, même sur Madame de Pompadour qu’il déteste tant. Et la bonne nouvelle arrive à l’automne : la dauphine est enceinte !
Après l’espoir, la tragédie
En février 1746, Louis XV ayant déclaré la « fin de l’éducation » de Mesdames Henriette
et Adélaïde
, chacune d’elles se voit attribuer une dame d’honneur et doit désormais participer à toutes les cérémonies de la cour. Madame de Tallard, petite-fille de Madame de Ventadour qui lui a succédé auprès des princesses, profite de ce nouvel état pour obtenir un titre l’attachant à vie au service de Mesdames. Mais Henriette
, qui la déteste, n’hésite pas à solliciter Madame de Pompadour pour convaincre son père de l’en débarrasser. Trop heureuse d’apprivoiser la princesse aussi aisément, la marquise s’empresse de lui donner satisfaction.
Dans la soirée du 19 juillet 1746, la dauphine ressent les premières douleurs. Après plusieurs heures de travail au milieu d’un brouhaha infernal, elle met au monde un enfant dont on ignore le sexe. « Cet enfant est bien gros, confie Louis XV à son fils, il a la tête fort grosse et le corps fort long. » Aux paroles du roi, tout le monde a cru qu’il s’agissait d’un garçon. Mais, à la grimace de la gouvernante, l’assistance comprend que c’est une fille.
Après la déception vient la tragédie : trois jours plus tard, Marie-Thérèse-Raphaëlle
décède après s’être confessée et avoir été saignée deux fois au pied. L’autopsie ne révèle rien, sinon une abondance excessive de lait. Tandis que la reine, le dauphin et ses soeurs pleurent et se lamentent, Louis XV organise le départ de la famille royale à Choisy. Pendant le voyage, le dauphin est pris d’un fort saignement de nez. Ignorant cette faiblesse coutumière, le roi s’inquiète. Marie veille sur son fils de dix-sept ans, sans quitter des yeux son époux dont les réactions laissent craindre « un mouvement de bile » semblable à celui de Metz. Madame de Pompadour et sa cousine Madame d’Estrades sont aussi du voyage. Devant la douleur de la famille royale, elles observent la plus grande discrétion.
Hier encore temple de la joie de vivre, Choisy s’est figé dans une tristesse morbide. Marie s’y promène seule pour tenter de profiter du spectacle de la nature qui lui rappelle les jours heureux
Weitere Kostenlose Bücher