Marie Leszczynska
dauphine se met en route pour la France. Durant les vingt-quatre jours du voyage de Marie-Josèphe
, de nouvelles précisions sur la jeune femme affluent à Versailles : elle est blonde, plutôt petite, le port noble, douce, polie, prévenante. Elle comprend le français, le parle difficilement, mais ne demande qu’à l’apprendre.
Marie-Josèphe
doit amadouer la reine
Au passage à Strasbourg, vingt-deux ans après l’entrée de Marie Leszczyńska, toute la ville fête la dauphine avec le même enthousiasme. Le 7 février, le cortège arrive à Cramayel, près de Corbeil, où le roi l’attend en compagnie de son fils. En se précipitant aux pieds du souverain, Marie-Josèphe
s’écrie : « Oh ! Sire, je demande à Votre Majesté de bien vouloir m’accorder son amitié. » Elle a touché la corde sensible. Le roi est séduit. Après l’avoir embrassée, il la présente à Louis qui ne desserre pas les dents, se contentant d’un simulacre de baiser exigé par l’étiquette. Prévenue du caractère immature et buté du dauphin, Marie-Josèphe
ne s’offusque pas du comportement de son futur époux. Leurs caractères s’opposent : l’une est expansive, l’autre est introverti. Même leurs goûts diffèrent. Elle sait qu’elle devra tenter d’apprivoiser en douceur ce veuf inconsolable d’à peine dix-huit ans.
Le lendemain, la rencontre avec Marie Leszczyńska et ses filles a lieu en pleine campagne, sous le regard de la marquise de Pompadour. L’accueil est plutôt figé. Marie-Josèphe
n’ignore rien du passé de la reine et tente de l’amadouer. Mal à l’aise, elle lui explique « combien elle désire avec passion de mériter ses bontés, qu’elle la supplie de vouloir bien l’avertir des fautes qu’elle pourrait faire, et qu’elle lui demanderait toujours ses conseils avec le plus grand empressement ». En revanche, la dauphine retrouve tout son naturel à la présentation de Mesdames. Lorsqu’on lui dit qu’Henriette
est très sérieuse et Adélaïde
plutôt gaie, elle conclut : « Je prendrai conseil de la première et me divertirai avec la seconde. » La remarque fait mouche en déridant les adolescentes et l’assistance.
À deux ans de distance, la cérémonie et les fêtes du mariage se ressemblent, à quelques variantes près. Comble de l’ironie, les cartons d’invitation au bal paré sont ceux que l’on avait fait imprimer pour le premier mariage du dauphin, le 23 février 1745. On a simplement corrigé à la main : « jeudi neuf février 1747 » [8] . Ce soir-là, l’assistance n’a d’yeux que pour Madame de Pompadour, exquise de grâce et de légèreté lorsqu’elle danse le menuet.
La nouvelle dauphine n’a pas fini de surprendre la famille royale. La coutume veut que le troisième jour après le mariage, la jeune épousée porte un bracelet enchâssant le portrait de son père. Toute la cour guette la réaction de Marie Leszczyńska. Lorsque Marie-Josèphe
paraît avec le magnifique bijou à son poignet, personne n’ose le regarder. Pour dissiper le malaise, la reine s’avance vers la jeune femme :
« Voilà donc, ma fille, le portrait du roi votre père ?
— Oui, maman, voyez comme il est ressemblant. »
Et Marie découvre, stupéfaite, le portrait de Stanislas !
« Maman-putain »
Le second mariage du dauphin n’a pas calmé la haine féroce qu’il voue à Madame de Pompadour. Il en veut aussi à sa mère dont il condamne l’indulgence envers cette femme de rien qui cherche à lui ravir la première place ! La première dauphine partageait les sentiments de son époux. Il lui arrivait même d’être plus agressive que lui. À Fontainebleau, voyant la favorite s’approcher de l’étang aux carpes, elle aurait chuchoté : « Si elle tombait, ce serait un poisson qui retourne à son élément… »
Dans sa guerre contre Madame de Pompadour, le dauphin est suivi par ses deux soeurs, Henriette
et Adélaïde
, dont l’admiration a décuplé depuis son retour victorieux de Fontenoy. Les enfants de France ont scellé un véritable pacte contre celle qu’ils surnomment « Maman-putain », enterrant du même coup le joyeux « Papa-roi » qui ravissait tant Louis XV. Mais le trio n’est pas aussi soudé que le dauphin l’espérait. Pendant qu’il poursuit sans faillir « Maman-putain » de sa hargne, Mesdames passent successivement de l’indignation à la résignation, écartelées entre l’attitude
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