Marie Leszczynska
de Tschifflik. Selon la tradition, la dauphine a été inhumée en grande pompe à Saint-Denis en l’absence de la famille royale ; mais le deuil observé à Versailles rend l’atmosphère encore plus pesante qu’à Choisy. Ni jeux, ni spectacles, ni concerts. Le roi s’ennuie et songe à rejoindre ses armées. Le dauphin s’enferme dans l’atmosphère macabre de ses appartements pour pleurer son infante rousse aux yeux bleus. Et la reine prie pour la défunte, sans oublier la petite « Madame » [2] qui n’intéresse plus personne.
Douloureux affront pour Marie
Soucieux de l’avenir de la dynastie, Louis XV n’a pas caché à son fils la nécessité de se remarier, ce qui ne l’enchante pas. Les princesses catholiques ne sont pas légion en cette période de guerre, sauf du côté de la maison de Saxe où l’électeur-roi de Pologne, Auguste III, a plusieurs filles à marier, dont Marie-Josèphe
.
Pour Marie Leszczyńska, une telle union ne peut s’imaginer, car il s’agit du prince qui a chassé son père du trône de Pologne avec l’aide des Russes et des Autrichiens. Mais, à Versailles, le Saxon a le soutien de son demi-frère le maréchal de Saxe, couvert de gloire depuis sa victoire de Rocoux [3] sur les troupes autrichiennes ; sans oublier l’appui du marquis d’Argenson, opposé à l’Autriche. Madame de Pompadour, qui correspond depuis Fontenoy avec les chefs militaires des armées du roi, a eu le temps d’apprécier le maréchal et d’apprendre son projet de marier le dauphin à sa nièce de Saxe. « J’espère que ce que vous désirez réussira », lui écrit-elle, bien décidée à plaider la cause de cette princesse de quinze ans, bonne catholique et en excellente santé. En coulisse, elle caresse le secret espoir, comme jadis Madame de Prie avec la reine, de se faire une alliée de la future dauphine.
Marie est furieuse de ne pas avoir été consultée. Et plus agacée encore de voir le dauphin pressé sans pouvoir donner son avis, lui non plus ! Dans le plus grand secret, Louis XV entame les négociations avec la Saxe, le 21 octobre [4] . Le maréchal de Saxe en informe Auguste III : « J’ai reçu une lettre du Roi Très Chrétien. Il me mande toutes les contradictions qu’il a essuyées et qui lui ont été suggérées par la reine sa femme, qu’il a fallu vaincre ; en quoi Madame de Pompadour nous a beaucoup aidés [5] . »
Prudent, Louis XV écrit à Stanislas, le 22 novembre 1746, afin de ménager la susceptibilité de ses beaux-parents :
« Monsieur mon frère et beau-père,
« La nécessité de remarier promptement mon fils, les circonstances présentes, le peu de princesses à portée d’y prétendre et le bien infini qui m’est revenu de la princesse Marie-Josèphe
de Saxe a fixé mon choix sur elle. Le roi son père vient de me l’accorder, et je me hâte d’en faire part à Votre Majesté en lui demandant l’agrément et la permission pour son petit-fils, ainsi que celui de la reine son épouse, à qui je n’écris pas présentement, crainte de l’importuner [6] . Je suis, avec l’amitié la plus sincère, la plus tendre et la plus parfaite [7] ... »
La situation amuse beaucoup Stanislas qui semble avoir enterré ses vieilles querelles polonaises. L’attention de son gendre le touche particulièrement. Ce n’est pas le cas de sa fille qui se mure dans un silence réprobateur, pendant que le dauphin affiche la mine courroucée des plus mauvais jours et que Mesdames attendent de pied ferme la nouvelle princesse pour l’initier à la guerre contre la Pompadour.
Le marquis d’Argenson étudie le cérémonial du mariage et rédige le contrat dans le plus grand secret. Madame de Pompadour prend en main les préparatifs dès l’annonce officielle, le 27 novembre. Au nom du roi, le duc de Richelieu se rend à Dresde pour présenter la demande en mariage et conduire la princesse en France. « Je l’ai trouvée charmante, écrit-il ; ce n’est point du tout cependant une beauté, mais c’est toutes les grâces imaginables : un gros nez, de grosses lèvres fraîches, les yeux du monde les plus vifs et les plus spirituels. S’il y en avait de pareilles à l’Opéra, il y aurait presse pour l’enchère. » Ce portrait, brossé par un expert en femmes, a probablement amusé Louis XV, inquiet malgré tout des réactions imprévisibles de son fils.
Après le mariage par procuration, le 10 janvier 1747 à Dresde, la
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