Marie
défense de Miryem. Elle, elle n’était pas
surprise. Combien de fois sa mère Rachel n’avait-elle pas répété qu’il n’y
avait pas d’obligation à ce que la vie d’une femme échoue entre les bras d’un
homme ?
« La
solitude n’est pas une faute ou un malheur, assurait-elle. Au contraire, c’est
lorsqu’elle sait vivre seule qu’une femme peut donner au monde ce qui lui
manque et que les hommes s’obstinent à refuser en la contraignant à l’unique
rôle d’épouse. Nous devons savoir être nous-mêmes. »
Comme si
ces mots lui avaient été adressés, Joachim frappa à nouveau sur la table,
faisant trembler les écuelles et le pain.
— Et
si tu es seule, sans époux, qui t’aidera, te fera vivre et t’assurera un toit
quand je ne serai plus là ? demanda-t-il.
Miryem le
considéra avec chagrin. Elle tendit le bras par-dessus la table, voulut saisir
la main de Joachim. Mais il la retira, comme s’il voulait mettre son cœur et sa
colère hors de portée de la tendresse de sa fille.
— Je
sais que ma décision te peine, mon père. Mais, pour l’amour de l’Eternel, ne
sois pas impatient de me donner à un homme. Ne sois pas pressé de me juger. Tu
sais que je veux le bien autant que toi.
— Cela
veut dire que tu vas changer d’avis ? Miryem soutint son regard, secoua la
tête sans répondre.
— Alors,
que veux-tu que j’attende ? Le Messie ? gronda Joachim.
Yossef posa
une main sur l’épaule de son ami.
— Ne
te laisse pas dominer par la colère, Joachim. Tu as toujours eu confiance en
Miryem. Pourquoi douter d’elle aujourd’hui ? Ne peux-tu lui laisser un peu
de temps pour qu’elle puisse s’expliquer ?
— Parce
qu’il y a quelque chose à expliquer, selon toi ? Barabbas est le meilleur
garçon qui soit. Je sais combien il tient à elle. Et ce n’est pas
d’aujourd’hui.
— Oh,
murmura Elichéba en glissant un regard affectueux vers Miryem. Dire que
Barabbas est le meilleur garçon qui soit, c’est un peu exagéré, Joachim. On ne
peut pas oublier que c’est un larron. Je comprends un peu Miryem. Devenir
l’épouse d’un larron…
Zacharias
l’interrompit :
— Une
fille doit épouser celui que son père lui a choisi. Sinon, où irait l’ordre des
choses ?
— Si
c’est vraiment l’ordre des choses, alors cet ordre n’est peut-être pas aussi
bon qu’il y paraît, intervint Mariamne, non moins péremptoire que Zacharias.
Chacun vit
la main que Miryem posa sur le poignet de Mariamne, lui imposant le silence,
tandis que Joachim foudroyait Elichéba du regard. Il désigna les pentes de
Nazareth où l’on pouvait imaginer que Barabbas errait en ce moment, malgré le
temps qui transformait les chemins en ruisseaux de boue.
— Ce
larron, comme tu dis, m’a sauvé la vie au risque de sa vie ! Et
pourquoi ? Parce que cette fille qui est ma fille le lui a demandé. Moi,
je m’en souviens. Je n’ai pas la mémoire courte. Ma reconnaissance ne s’efface
pas avec la fraîcheur de l’aube !
Il tourna
sa cuillère vers Miryem. Il ne maîtrisait plus sa voix.
— Moi
aussi, je suis triste de la mort d’Abdias. Moi aussi, je porte pour toujours
dans mon cœur celui qui est venu défaire mes liens sur la croix. Mais je te le
dis, ma fille, tu te trompes depuis le début en reprochant sa mort à Barabbas. Ceux
qui l’ont tué, ce sont les mercenaires. Comme ils ont abattu ta mère. Eux et
Hérode. Personne d’autre. Sauf qu’Abdias combattait. En gamin courageux qu’il
était. Une belle mort, si tu veux mon avis. Pour la liberté d’Israël, pour
nous ! Une mort qui me conviendrait. Il fut un temps où tu étais la
première à le dire, Miryem.
À bout de
souffle, il abattit une nouvelle fois son poing sur la table avant de
reprendre, le menton haut et l’œil dur :
— Et
je vous le dis à tous une bonne fois : qu’on ne traite plus Barabbas de
larron devant moi ! Rebelle, combattant, résistant… Comme ça vous chante.
Il y en a peu qui lui arrivent à la cheville, lui qui a le courage de faire ce
que les autres n’osent faire et qui est fidèle à ceux qu’il aime. Et quand il me
demande ma fille, je vous le répète, je suis fier de lui dire oui. Nul autre ne
la mérite, sinon ce larron.
Un silence
de glace suivit la violence de ces propos. Miryem, qui n’avait pas quitté
Joachim des yeux, approuva d’un petit hochement.
— Ce
que tu dis est juste, père. Ne crois pas que mon refus soit dû à la
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