Marie
résoudre. Avant qu’Israël soit détruit en
entier.
— Moi
non plus, je n’ai rien oublié. Mais près de Joseph d’Arimathie j’ai appris le
pouvoir de la vie. Seule la vie engendre la vie. Aujourd’hui, il faut tenir la
vie dans une main et la justice dans l’autre. Voilà ce qui nous sauvera.
Seulement, c’est plus difficile que de se battre avec des lances et des épées.
C’est à ce prix que la justice régnera sur nos terres.
Elle
parlait bas, avec beaucoup de calme. Dans la lumière montante, Barabbas la
scruta attentivement. Peut-être était-il impressionné par sa détermination plus
qu’il ne se l’avouait.
Ils se
turent un instant. Puis Barabbas sourit. Un grand sourire qui fit briller ses
dents. Il déclara très vite, d’une voix un peu hachée.
— Moi
aussi, je songe à la vie. Je suis allé voir Joachim. Je lui ai dit que je
voulais te prendre pour épouse.
Miryem
tressaillit sous le coup de la surprise.
— Cela
fait longtemps que j’y pense, reprit Barabbas avec précipitation. Je sais que
nous ne sommes pas toujours d’accord. Mais aucune femme au monde ne te vaut et
je n’en veux aucune autre.
Miryem
baissa les yeux, soudain intimidée.
— Que
t’a répondu mon père ? Barabbas eut un petit rire tendu.
— Qu’il
est d’accord. Et que tu devais l’être aussi.
Elle
releva le visage, offrant à Barabbas tout ce qu’elle pouvait de tendresse, et
secoua la tête.
— Non,
je ne le suis pas.
Barabbas
frotta nerveusement sa cuisse et se raidit.
— Tu
ne l’es pas ? chuchota-t-il, comprenant à peine le sens des mots qu’il
prononçait.
— Si
je devais prendre un homme pour époux, oui, ce serait toi. Je le sais depuis
longtemps. Depuis le jour où je t’ai découvert sur la terrasse de notre maison
tentant d’échapper aux mercenaires.
— Eh
bien, alors !
— Jamais
je ne serai l’épouse d’un homme. Cela aussi, je le sais depuis longtemps.
— Et
pourquoi ? C’est stupide. On ne dit pas des choses pareilles. Toutes les
femmes ont un époux !
— Pas
moi, Barabbas.
— Je
ne comprends pas ce que tu racontes. Ça ne tient pas debout.
— Ne
sois pas fâché. Ne crois pas que je ne t’aime pas…
— C’est
encore à cause d’Abdias ! Je m’en doutais. Tu m’en veux toujours !
— Barabbas !
— Tu
racontes que tu aimes la vie, que tu veux la justice ! Mais tu ne sais pas
pardonner. Ne crois-tu pas que je souffre toujours ? Abdias me manque
autant qu’à toi… Mais non, tu veux encore te venger !
— Non,
non ! Tu te trompes…
Déjà il
lui tournait le dos, s’éloignant vite, sans plus rien entendre, la fureur et la
douleur accentuant son boitement. Le soleil affleurait à présent les collines
et, dans le contre-jour, Barabbas semblait une ombre qui fuyait.
Miryem
secoua la tête, la gorge nouée. Bien sûr qu’il était plein de rage et de
tristesse. D’humiliation, aussi. Comment aurait-il pu en être autrement ?
17 .
— Je
ne comprends pas. Tu ne veux pas d’époux ? Mais pourquoi ?
Il n’avait
guère fallu de temps avant que Joachim n’apprenne le refus de Miryem. En secret
dans la nuit, malgré la pluie drue qui inondait la Galilée, trempé et plus
livide qu’un mort, le cœur en révolte, Barabbas avait déposé son chagrin entre
ses mains.
Maintenant,
à l’heure du repas matinal, alors que venait de s’achever la prière et que
chacun était assis autour de la grande table, Joachim ne pouvait retenir sa
colère. Impossible d’attendre un moment plus propice. Il pointait sa cuillère
de bois vers Miryem et répétait :
— Ça,
non ! Je ne te comprends pas. Pas plus que Barabbas ! Dis qu’il ne te
plaît pas, si c’est la vérité. Mais pas que tu veux être sans époux.
Il en
avait la voix tremblante, l’incompréhension lui écarquillait les yeux.
— La
vérité est ainsi. Ce que j’ai à faire dans ce monde, ce n’est pas d’être
l’épouse d’un homme, répondit Miryem.
Son ton
était celui de l’humilité, mais aussi de la fermeté.
Joachim
frappa la table de la paume. Ils sursautèrent. Yossef ou Zacharias, Elichéba ou
Ruth, ils évitèrent de le regarder. C’était la première fois qu’on le voyait
ainsi s’emporter contre sa fille tant aimée.
Mais les
mots, le refus de Miryem, les embarrassaient plus encore. Qui était-elle pour
oser s’opposer au choix de son père, quel qu’il fût ?
Seule
Mariamne se tenait prête à prendre la
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