Marie
de Miryem avant de la lâcher, mimant un accablement désabusé.
— Tu
es bien savante, si tu peux dire ce qui m’attend avec une fille pareille.
Dans sa
voix, cependant, on devinait de la tendresse et même de l’amusement.
*
* *
Mariamne
fut la seule à le remarquer : malgré l’humeur désormais apaisée de
Joachim, Miryem demeurait distante. Elle avait des nuits agitées, lourdes de
rêves qu’elle se refusait à confier le lendemain. D’autres fois, elle se
réveillait très tôt. Non plus comme auparavant à la pointe du jour, mais bien
avant que quiconque dans la maison ne se lève. Mariamne se mit à la guetter.
Dans le noir, elle la devinait qui quittait silencieusement leur chambre. Elle
attendait son retour en gardant les yeux grands ouverts sur l’obscurité. Elle
put ainsi mesurer que l’aube était encore bien loin.
La
troisième fois, elle lui dit :
— N’est-ce
pas dangereux d’aller dehors comme tu le fais, en pleine nuit ? Tu
pourrais faire de mauvaises rencontres. Ou alors te blesser à cheminer ainsi
dans le noir.
Miryem
sourit, lui caressa la joue.
— Dors
et ne te soucie pas de moi. Je ne risque rien. Cela ne fit qu’aiguiser la
curiosité de Mariamne. La fois suivante, elle voulut la suivre. Mais la lune
était à peine un fil d’argent. Les étoiles ne suffisaient pas à faire luire un
caillou. Quand Mariamne parvint dans la cour, il n’y avait que des ombres
épaisses, et aucune ne bougeait. Mariamne s’immobilisa, scrutant le noir,
l’écoutant. Elle s’habitua au grésillement des grillons, devina le vol d’une
chouette, mais aucun bruit de pas.
Inquiète,
déconcertée, elle se résolut à confier le secret à Ruth. L’ancienne servante de
la maison des esséniens prit son temps, avant de lui répondre :
— C’est
Miryem, que veux-tu. Toutefois, mieux vaut que les autres ne s’aperçoivent pas
qu’elle passe la moitié de ses nuits dehors. Garde ce que tu sais pour toi.
De son
côté, elle attendit d’être certaine que nul ne les entende pour dire à Miryem,
dans un murmure de reproche :
— J’espère
que tu sais ce que tu fais.
— De
quoi parles-tu ?
— Des
nuits que tu passes loin de ta couche. Miryem la regarda avec de grands yeux,
puis se mit à rire.
— Ce
ne sont pas des nuits. Tout au plus des aubes.
— L’aube,
c’est quand le jour se lève, grommela Ruth. Pas quand il fait nuit noire. Toi,
tu files avant qu’on y voie goutte.
Miryem se
figea, l’amusement encore sur les lèvres, mais plus dans les yeux.
— Que
crois-tu donc ?
— Oh !
rien. Avec toi, je ne crois rien de rien. Mais suis mon conseil. Évite que ton
père, Elichéba ou Zacharias apprennent tes fugues.
— Ruth !
Qu’es-tu en train d’imaginer ? Ruth agita les mains, rougissante
d’embarras.
— Ce
qui te rend si bizarre ces derniers temps et te pousse ainsi dehors, je ne veux
pas le savoir et encore moins l’imaginer. Suis mon conseil, cela vaut mieux.
Un peu
plus tard, Miryem s’assit près de Mariamne.
— Ne
t’inquiète pas, dit-elle. Ne crains rien. Dors et ne cherche pas à m’espionner.
C’est inutile. Tu sauras quand il le faudra.
Mariamne
grillait de curiosité. L’envie lui vint d’aller visiter l’atelier de Yossef en
pleine nuit, mais elle résista. Sans que cela fût dit, elle savait qu’elle ne
devait plus céder à aucune tentation de l’imagination ou de la défiance si elle
voulait conserver l’amitié de Miryem. Elle se contenta, selon les matins,
d’échanger un regard entendu avec Ruth.
Une lune
s’écoula presque entière. Et soudain, alors que l’on entrait dans le mois de
sivan, cela les frappa comme la foudre.
Miryem
vint devant son père alors qu’il était seul. Elle lui dit, montrant un visage
heureux et confiant :
— Je
suis enceinte. Un enfant grandit dans mon ventre. La face de Joachim devint
semblable à un bloc de craie. Comme il se taisait, Miryem ajouta
gaiement :
— Il
y avait du vrai dans ce que racontait Elichéba : tu vas être grand-père.
Joachim
voulut se lever, mais n’y parvint pas.
— Avec
qui ? souffla-t-il. Miryem secoua la tête.
— N’aie
crainte.
Un bizarre
grondement ronfla dans la poitrine de Joachim. Ses lèvres se tordirent. Il
parut vouloir mâcher les poils de sa barbe.
— Ça
suffit. Réponds. Avec qui ?
— Non,
mon père. Je te le jure devant la foudre de l’Éternel.
Joachim ferma
les paupières et se frappa la poitrine. Quand
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